Les casinos frontaliers en première ligne du conflit Thaïlande-Cambodge
La Thaïlande a frappé au Cambodge plusieurs casinos liés à des cyberarnaques depuis le début du conflit que les deux pays se livrent à leur frontière contestée. Le Premier ministre thaïlandais a dit vouloir « s’occuper » de cette industrie clandestine.
Des réseaux criminels internationaux ont proliféré ces dernières années en Asie du Sud-Est, où ils opèrent la plupart du temps sous couvert de zones commerciales, de casinos ou d’hôtels, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
Le Cambodge abrite des dizaines de centres au sein desquels 100.000 personnes environ, souvent victimes de traite humaine, se livrent à des escroqueries en ligne, une industrie générant chaque année des milliards de dollars.
Au moins quatre casinos cambodgiens situés à la frontière avec la Thaïlande ont été récemment frappés dans le conflit meurtrier qui oppose les deux voisins d’Asie du Sud-Est.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Volker Türk, a déclaré jeudi que les personnes exploitées dans les centres étaient désormais exposées à un risque supplémentaire à cause des combats, et a appelé à leur évacuation.
Mesures concrètes
La Thaïlande a fait de la lutte contre la cyberarnaque l’une des conditions pour une paix durable avec son voisin.
Si des casinos au Cambodge servent de couverture à des opérations frauduleuses, alors nous les considèrerons comme des centres d’escroquerie dont on doit s’occuper , a lancé mercredi le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul lors d’une conférence internationale sur le sujet à Bangkok.
Les atteintes aux droits humains se font à grande échelle dans les centres cambodgiens et la faible réponse du gouvernement suggère sa complicité, a dénoncé Amnesty International dans un rapport publié en juin.
Ros Phirun, secrétaire général de la Commission cambodgienne des jeux commerciaux, a assuré à l’AFP que les autorités prenaient des mesures concrètes pour lutter contre cette industrie, et qualifié les frappes thaïlandaises contre les casinos de totalement illégales.
Les casinos sont sur notre territoire… Peut-être sont-ils simplement en colère contre nous , a-t-il ajouté.
La Thaïlande a confirmé la semaine dernière avoir lancé des attaques contre trois casinos utilisés selon elle par les Cambodgiens comme des dépôts d’armes et des positions de tir.
Nous avions, pour chaque centre d’arnaque et casino attaqué, des renseignements indiquant clairement qu’ils servaient de bases militaires, a déclaré le porte-parole adjoint de l’armée thaïlandaise, Richa Suksuwanon.
Un bon prétexte
Les casinos visés abritaient-ils des civils ?
Un rescapé d’une frappe à O’Smach, dans la province cambodgienne d’Oddar Meanchay, affirme dans un communiqué de l’ONU qu’un civil a été tué et que deux autres ont été blessés.
Identifié par Amnesty International comme un centre d’escroquerie, le complexe d’O’Smach a été construit par le conglomérat cambodgien L.Y.P Group, dirigé par le sénateur Ly Yong Phat.
Ce dernier a été sanctionné par les Etats-Unis en 2024 pour le rôle présumé de sa société dans de graves violations des droits humains, et la Thaïlande a émis en novembre un mandat d’arrêt à son encontre.
Pour Jacob Sims, chercheur associé à l’Asia Center de l’Université de Harvard, des milliers de victimes de traite humaine se trouvaient potentiellement dans les casinos attaqués.
Bombarder les centres d’arnaque n’est pas une approche raisonnable, dit-il à l’AFP, estimant les saisies d’actifs plus efficaces.
Les centres clandestins, avec la frustration croissante envers le Cambodge pour son rôle dans cette industrie néfaste, offrent selon lui à la Thaïlande un bon prétexte pour une agression extraterritoriale qui serait autrement probablement condamnée .
Agence France Presse – 19 décembre 2025
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