Birmanie : des élections législatives en pleine guerre civile
Dans un pays où l’armée a renversé le gouvernement démocratique d’Aung San Suu Kyi en 2021, et miné par une guerre civile, des élections législatives sont prévues dans une semaine.
Le scrutin est présenté par la junte au pouvoir comme une étape vers la réconciliation. Mais certaines organisations de défense des droits humains estiment que ces élections ne peuvent être légitimes tant qu’Aung San Suu Kyi restera en prison. Celle qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 1991 est détenue au secret depuis cinq ans, et les nouvelles qui parviennent sont inquiétantes.
Fille du héros de l’indépendance birmane, le général Aung San, Aung San Suu Kyi est depuis la fin des années 80 la figure de proue de l’opposition. En 1990, son parti remporte les élections, mais l’armée refuse de rendre le pouvoir. C’est à partir de ce moment-là qu’elle est enfermée, loin de son mari qui meurt d’un cancer sans pouvoir la revoir, loin de ses enfants qui réclament aujourd’hui sa libération. En tout plus de 20 ans de résidence surveillée et de prison, où elle est à nouveau depuis cinq ans.
La prison dans laquelle elle est détenue a été quasi détruite par le séisme qui a ravagé la Birmanie en mars. « Elle était en prison à Naypyidaw jusqu’au tremblement de terre, date à laquelle je pense que la prison a été sérieusement endommagée, et il est probable qu’elle ait également été blessée à ce moment-là, indiquait son fils Kim Aris il y a quelques semaines à France 24. Il est très difficile de savoir ce qui se passe réellement, car personne en dehors de l’armée ou de la prison ne l’a vue depuis plus de deux ans. »
« Son état de santé se détériore. Son état cardiaque ne fait qu’empirer. Elle a 80 ans, et les conditions de détention dans les prisons de Birmanie sont effroyables. Je ne peux qu’espérer qu’elle survivra. »
De nombreux dirigeants ont appelé à sa libération, dont Emmanuel Macron qui lui a fait parvenir une lettre pour ses 80 ans.
Une guerre civile en cours
Depuis le putsch, la situation dans le pays est épouvantable. Il y a d’abord eu la répression, les arrestations massives, les tirs à balles réelles, la torture. Puis une révolte, qui s’est transformée en guerre civile. Aujourd’hui, une grande partie du pays échappe au contrôle de l’armée. Des groupes armés pro-démocratie, alliés à des milices ethniques, affrontent la junte dans plusieurs régions. L’armée répond par des bombardements, y compris sur des zones civiles : 34 personnes tuées la semaine dernière dans le bombardement d’un hôpital.
En tout, des dizaines milliers de morts, des millions de déplacés, et une crise humanitaire majeure. Les groupes rebelles ont annoncé qu’ils boycotteraient, dans les régions qu’ils contrôlent, ces législatives promises par la junte. Protester contre le scrutin est interdit, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison. L’association des nations de l’Asie du sud-est, l’Asean, refuse elle aussi d’envoyer des observateurs pour ne pas légitimer ce processus fantoche : un revers pour la junte, qui ces derniers jours a multiplié ses bombardements.
Par Nicolas Teillard – Radio Franceinfo – 21 décembre 2025
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