En Birmanie, groupes ethniques et combattants pro-démocratie font cause commune contre la junte
A la tombée de la nuit, près de la frontière chinoise, des combattants de l’Armée de libération nationale Ta’ang (TNLA) patrouillent le long de la ligne de front, scrutant dans l’horizon l’ombre de leur ennemi, la junte birmane.
La TNLA regroupe des rebelles issus de l’ethnie Ta’ang, un des groupes ethniques qui luttent contre l’armée depuis des décennies, réclamant plus d’autonomie et le contrôle des lucratives ressources du nord-est de la Birmanie.
Leurs revendications sont longtemps passées sous les radars de l’actualité, avant que le coup d’Etat du 1er février 2021 ne les mette au centre du jeu.
Des groupes armés comme la TNLA luttent en première ligne contre la junte, aux côtés des Forces de défense du peuple (PDF), la nouvelle opposition pro-démocratie, à qui ils fournissent refuge et entraînement.
Le putsch qui a renversé la dirigeante élue Aung San Suu Kyi a replongé le pays dans un violent conflit civil, tuant plus de 3.000 personnes et provoquant le déplacement de centaines de milliers d’autres.
« Nous avons la sympathie et le soutien des autres peuples de Birmanie depuis le coup d’Etat », souligne un responsable militaire de la TNLA, Tar Bhon Kyaw.
« Les gens comprennent maintenant pourquoi nous nous battons… C’est grâce au coup », poursuit-il.
– Milliers de soldats formés –
Quelques jours après le coup d’Etat, l’Armée de libération nationale Ta’ang a mis fin à un cessez-le-feu précédemment négocié avec l’armée.
Elle revendique aujourd’hui plus de 7.000 soldats dans son territoire, qui s’étend dans le nord de l’Etat Shan (est), le long de grands axes menant à la Chine.
Dans un camp à l’emplacement tenu secret, de jeunes combattants s’entraînent sur un parcours d’obstacles, en pointant leurs AK-47 ou M-22 sur un ennemi imaginaire.
Mai Naing Aung Kyar, âgé de 24 ans, a rejoint la TNLA après le putsch pour se « révolter » contre la junte.
« Nous ne pouvons pas protester dans les villes, mais j’ai pensé que rejoindre la TNLA était une autre manière de se battre », estime-t-il.
Les rebelles Ta’ang mettent à profit leur expérience du combat pour former des jeunes membres des PDF, originaires d’autres régions de la Birmanie, a déclaré Tar Bhon Kyaw, et ont aussi fait jouer leurs « contacts » pour leur permettre d’acheter des armes.
Mais le responsable n’a pas livré de détails, au nom de la sécurité de l’opération.
Nombre d’ethnies de Birmanie, rétives au pouvoir central, ont formé et armé des milliers de membres des PDF le long des frontières avec la Chine, l’Inde et la Thaïlande, selon des experts.
– Ecole et bunkers –
Ceux-ci ont souligné leur efficacité au combat, qui a surpris la junte, engluée dans un conflit qui s’enlise.
Mais il y a un prix à payer quand on collabore avec les nouveaux ennemis de l’armée, que celle-ci qualifie de « terroristes ».
Dans un village proche du camp militaire, une école a été détruite par un incendie lors d’un raid de l’armée.
Sur le chantier de la nouvelle école, des travailleurs ont creusé des trous dans un talus proche, pour se protéger d’éventuelles frappes aériennes – un mode opératoire prisé de la junte, qui entend profiter de son avantage procuré par ses jets de fabrication russe et chinoise, malgré des accusations de crimes de guerre.
Un raid de l’armée de l’air qui a tué environ 170 personnes dans la région de Sagaing, dont des enfants, a provoqué début avril l’indignation de la communauté internationale.
En attendant le nouveau bâtiment, Khin Lay Yu, âgée de 52 ans, enseigne à une vingtaine d’enfants dans une structure sommaire formée de poutres en bois et de bâches.
Elle aimerait des « bunkers pour les élèves » pour la rentrée en juin, lance-t-elle.
« Notre école compte environ 500 élèves et nous devons travailler dur pour en construire assez », poursuit-elle.
Agence France Presse – 19 avril 2023
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