GPA : un réseau de « mères porteuses » philippines démantelé au Cambodge
Cette nouvelle affaire qui défraye la chronique du royaume cambodgien montre que, malgré l’interdiction décrétée en 2016, la pratique continue de prospérer dans ce pays pauvre du Sud-Est asiatique via les réseaux clandestins.
La gestation pour autrui a beau être interdite depuis 2016 au Cambodge, le lucratif business des « usines à bébés » continue de prospérer dans ce pays pauvre de l’Asie du Sud-Est. Pour preuve, le démantèlement récent d’un réseau qui a conduit à l’arrestation de 24 femmes étrangères – vingt Philippines et quatre Vietnamiennes – recrutées pour servir de mères porteuses à des clients étrangers.
Ce trafic a été découvert lors d’un raid policier mené fin septembre dans une villa de la commune de Prek Anchanh, dans la province de Kandal, au sud de la capitale Phnom Penh, où étaient hébergées les femmes. Onze d’entre elles, qui n’étaient pas encore enceintes, ont été immédiatement expulsées vers leur pays d’origine. Les treize autres – trois ayant déjà accouché – ont été condamnées, fin novembre, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, en vertu de la loi cambodgienne qui punit la traite des êtres humains.
Des prix particulièrement attractifs
Graciées par un décret du roi Norodom Sihamoni, les 13 Philippines ont retrouvé leur pays dimanche 29 décembre sans connaître le sort qui sera réservé aux enfants nés ou à naître. « Si nous en venons à la conclusion qu’elles ne sont pas capables de s’en occuper, alors les bébés pourraient être considérés temporairement comme des pupilles de la nation et nous devons envisager les options, comme celle de l’adoption », a expliqué Nicholas Felix Ty, sous-secrétaire philippin à la justice.
Les trafiquants, eux, courent toujours. Selon les autorités cambodgiennes, l’agence à l’origine du recrutement serait basée en Thaïlande et opérerait principalement pour des clients chinois, nombreux depuis l’assouplissement de la règle de l’enfant unique, mais aussi australiens ou américains. Ces couples en mal d’enfant sont attirés par les prix particulièrement attractifs : aux États-Unis, le coût d’une gestation pour autrui peut dépasser les 100 000 € quand le recours à une mère porteuse au Cambodge reviendrait dix fois moins cher.
Le Laos nouvel Eldorado de la GPA
Ceci explique que, malgré l’interdiction décrétée en 2016, le pays reste un centre actif de ce commerce, comme l’illustrent plusieurs affaires qui ont défrayé la chronique du royaume ces dernières années.
Ainsi, en 2017, une infirmière australienne et ses deux complices cambodgiens ont été condamnés à un an et demi de prison pour avoir dirigé une clinique illicite. L’année suivante, la police cambodgienne annonçait le démantèlement à Phnom Penh d’un trafic impliquant 33 mères porteuses. Celles-ci seront finalement relâchées à condition qu’elles acceptent de garder leur enfant. En 2019 encore, les autorités annonçaient la libération de onze femmes contre la même promesse de ne pas vendre leur enfant.
« Le marché de la GPA se développe en Asie comme dans tous les pays où de nombreuses femmes vivent sous le seuil de pauvreté », déplorait alors, dans La Croix, une responsable du CoRP, un collectif d’associations féministes appelant à l’abolition internationale de cette pratique. C’est notamment le cas du Laos, pays voisin et plus pauvre encore que le Cambodge, qui se positionne comme le nouvel Eldorado de la GPA. Là-bas, des cliniques ayant pignon sur rue n’hésitent pas à proposer sur Internet des « forfaits maternité de substitution au prix les plus bas » sous le slogan « Laissez-nous vous aider à réaliser votre rêve d’avoir un enfant ».
Par Antoine d’Abbundo – La Croix – 31 décembre 2024
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