De nouvelles espèces de moustiques au Cambodge
L’unité d’entomologie médicale et vétérinaire de l’Institut Pasteur du Cambodge a découvert vingt nouvelles espèces de moustiques au Cambodge
Le Dr Sébastien Boyer est arrivé de Madagascar à Phnom Penh il y a quatre ans pour créer l’unité d’entomologie médicale et vétérinaire de l’Institut Pasteur du Cambodge. Il s’agit d’un laboratoire de recherche consacré à l’étude des insectes et à leur impact sur la santé des hommes et des animaux. Spécialisés dans les moustiques, les chercheurs de cette unité ont répertorié en trois ans 20 espèces de moustiques nouvelles pour le Cambodge portant le nombre d’espèces de 243 à 263 dans le Royaume. Cinq à dix espèces prélevées en milieu naturel restent non identifiées et sont en cours d’analyse. Le nombre d’espèces répertoriées dans le monde avoisine les 3500.
Avec la déforestation massive et l’urbanisation rapide du Cambodge, le moustique doit s’adapter à son nouvel environnement. Habituées à se nourrir sur les cochons sauvages ou autres singes, les femelles moustiques en forêt, dont l’apport en protéines est nécessaire à la genèse des oeufs, piquent de plus en plus souvent les hommes qui s’y aventurent. « Toutes les espèces de moustiques ne piquent pas l’homme et parmi les espèces qui piquent l’homme, toutes ne transmettent pas de maladie », commente le directeur du laboratoire. Les virus transmis par le moustiques peuvent cependant être dévastateurs. Les maladies les plus connues transmises par les piqûres de moustique sont le paludisme, la dengue, la fièvre jaune, l’encéphalite japonaise, le Zika, le chikungunya. La liste est non exhaustive.
Si la tentation est grande de vouloir éradiquer ces petits insectes dont les piqûres peuvent être tellement désagréables, dans les faits il est impossible d’éradiquer 3500 espèces et ce serait non souhaitable. « Les moustiques sont comme des papillons, ils passent par quatre stades de développement, l’oeuf, la larve, la nymphe puis l’adulte. Les trois premiers stades sont aquatiques et très utiles pour leur milieu. Les larves sont détritivores et contribuent par leur alimentation à nettoyer les mares et autres étangs. Elles servent aussi d’alimentation à d’autres espèces d’insectes et de poissons larvivores, explique le chercheur. Quant aux moustiques adultes, les mâles ont un rôle pollinisateur en se nourrissant de fleurs la nuit et les femelles un rôle de régulation de la population en transmettant des virus ou autres parasites », précise Sébastien Boyer. Il est tout de même possible de se protéger de ces attaques intempestives grâce aux moustiquaires et aux répulsifs. Des pièges sont mis en place dans certains lieux où la présence de ces insectes est vraiment incommodante comme à l’Ecole Française de Siem Reap ou dans les jardins de l’Ambassade de France au Cambodge. « Dans un rapport de 1966, les chercheurs constatent déjà que les moustiques de Phnom Penh sont résistants à certains insecticides. Le système de piège qui a été mis en place consiste à attirer les femelles pour qu’elles pondent dans des bacs prévus à cet effet dans lesquels se trouve un produit qui va empêcher le développement des nymphes et que la femelle va conserver sur ses pattes et disperser dans des endroits auxquels nous n’avons pas accès » précise le chercheur.
Pour étudier plus précisément les moustiques, l’unité d’entomologie médicale et vétérinaire de l’Institut Pasteur procède à l’élevage très contrôlé de diverses espèces recueillies sur le terrain. Le travail qui consiste à les répertorier est une tâche ardue, qui nécessite un savoir-faire très précis. Les diverses espèces sont ensuite collationnées dans une collection qui sert de référence, travail de longue haleine entrepris par le service, et qui n’avait encore jamais été fait au Cambodge. Sébastien Boyer nous a présenté cette collection, où chaque espèce, le lieu où elle a été recueillie, les maladies qu’elle transmet, sont décrits avec précision. C’est de cette façon, et à l’occasion de cet inventaire que des espèces encore inconnues au Cambodge ont été relevées, ainsi que des espèces non identifiées à ce jour. Ce travail qui pourrait sembler au profane ne présenter qu’un intérêt purement formel, est de fait essentiel à l’étude des moustiques, leur dissémination, leurs habitats et modes de vie. Par cette connaissance, des moyens plus efficaces de prévoir ou éviter certaines des maladies transmises par ce vecteur seront facilitées.
L’ambassade de France au Cambodge participe au financement de ces recherches dans le cadre d’un projet de surveillance et de prévention des virus émergents au Cambodge et dans la région. Par l’intermédiaire d’un fond de solidarité pour les projets innovants (FSPI) l’institution a versé 480 000 euros entre 2019 et 2020. « Il s’agit d’une aide précieuse qui nous a permis d’effectuer encore plus de prélèvements sur le terrain », se réjouit le directeur de l’unité. Ceux-ci sont en effet essentiels pour mieux connaître les espèces de moustiques présentes au Cambodge et améliorer la prévention des maladies qu’ils peuvent transmettre aux populations partageant leur habitat.
Lepetitjournal.com – 20 Juillet 2020
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