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Nouvelles violences en Birmanie au début du 4e mois de détention d’Aung San Suu Kyi

Assignée à résidence depuis le 1er février, l’ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a entamé son quatrième mois en détention, isolée de l’agitation et des violences qui ont continué à secouer samedi le pays.

La lauréate du prix Nobel de la paix 1991, amaigrie mais en bonne santé selon ses avocats, n’a pas été vue en public depuis son arrestation lors du putsch du 1er février.

Depuis trois mois, malgré une répression sanglante de la junte, des manifestations quasi quotidiennes ébranlent le pays, une vaste campagne de désobéissance civile – avec des milliers de travailleurs grévistes – paralyse des secteurs entiers de l’économie et des opposants, passés dans la clandestinité, ont formé un gouvernement de résistance.

Samedi, de petits groupes de protestataires ont de nouveau défilé dans les rues, se dispersant rapidement par peur des représailles. Près de 760 civils sont tombés sous les balles des forces de sécurité ces trois derniers mois et quelque 3.500 sont en détention, d’après une ONG locale.

A Rangoun, la capitale économique, des manifestants ont déployé une banderole libellée: « Seule la vérité triomphera », tandis que d’autres ont brandi le portrait de « Mother Suu » Kyi pour exiger sa libération.

Plusieurs bombes artisanales ont explosé dans différents quartiers de Rangoun, d’après des témoignages recueillis par l’AFP. Il n’était pas possible dans l’immédiat de savoir si ces attaques, non revendiquées, avaient fait des victimes.

« Ils (les militaires) font vivre la population dans le peur, c’est bien de les mettre eux aussi sous pression », a déclaré à l’AFP sous le couvert de l’anonymat un habitant du quartier résidentiel de Yankin, touché par une de ces explosions.

La contestation se poursuit également à travers le pays, avec des rassemblements samedi à Monywa (Centre) ou à Dawei (Sud), où les participants arborant les drapeaux rouges du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) brandissaient des pancartes affirmant : « Nous voulons la démocratie ».

– Milliers de réfugiés en Thaïlande –

Dans plusieurs régions frontalières du Nord et de l’Est, la contestation a fait sortir de l’ombre plusieurs rébellions issues de minorités ethniques, en confrontation avec l’armée, dont certaines abritent dans les territoires qu’elles contrôlent des opposants ayant fui la répression de la junte.

Dans l’est du pays, où les affrontements entre l’armée et l’Union nationale karen (KNU), ont fait plus de 30.000 déplacés, selon l’ONU, des frappes aériennes de la junte ont visé dans la nuit de vendredi à samedi un secteur proche de la frontière thaïlandaise, provoquant une nouvelle vague de réfugiés.

« Des soldat birmans ont lancé une frappe aérienne, tirant notamment deux roquettes », selon un communiqué des autorités de la province thaïlandaise de Mae Hong Son. Plus de 2.300 Birmans ont franchi la rivière qui marque la frontière pour se réfugier en Thaïlande, selon la même source.

Par ailleurs, des tirs d’artillerie ont été entendus samedi près de Bhamo, dans l’Etat Kachin (Nord), a indiqué à l’AFP un travailleur humanitaire. L’armée a mené ces derniers jours dans cette région des raids aériens ciblant l’Armée pour l’indépendance kachin (KIA).

– « Pas accès aux informations » –

Les généraux font fi des multiples condamnations internationales, profitant des divisions au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

Ce dernier a adopté vendredi une déclaration unanime exhortant à l’application du plan de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) en faveur notamment d’une « cessation immédiate de la violence ».

Mais la Chine et la Russie, alliées traditionnelles des militaires, refusent d’aller plus loin.

Le Conseil a de nouveau demandé la libération de tous les détenus, alors que la junte ne cesse d’intensifier son offensive judiciaire contre Aung San Suu Kyi, inculpée notamment de sédition et violation d’une loi sur les secrets d’Etat. Elle pourrait être exclue de la politique, voire condamnée à des années de prison.

Derrière les murs de la résidence de la capitale Naypyidaw où elle est assignée, Aung San Suu Kyi est tenue à l’écart des agitations et des violences, selon ses avocats, qui disent ne pas être autorisés à la rencontrer, ne pouvant s’entretenir avec elles qu’en visioconférence lors de brèves audiences judiciaires très surveillées.

Elle n’a probablement « pas accès aux informations et à la télévision. Je ne pense pas qu’elle soit au courant de la situation actuelle », relève une de ses avocates, Min Min Soe.

Aung San Suu Kyi a déjà passé plus de 15 ans en résidence surveillée après le soulèvement populaire de 1988, avant d’être libérée définitivement en 2010.

Son aura d’icône de la démocratie s’est dissipée à l’international quand des centaines de milliers de musulmans rohingyas ont fui en 2017 au Bangladesh les exactions de l’armée birmane, un drame qu’elle n’a pas condamné.

Certains lui reprochent aussi d’avoir fait trop de compromis avec les généraux, auxquels elle a permis de conserver une grande emprise sur le pays et le contrôle de ses principales ressources (mines de jades, de rubis, gaz, pétrole…).

Ces concessions ne leur ont pas suffi: le 1er février, ils ont évincé la dirigeante, alléguant de fraudes aux législatives de 2020, remportées massivement par son parti.

Agence France Presse – 1er mai 2021

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