Sauver les théiers sauvages du Vietnam
Le théier (Camellia Sinensis) est la plante à partir de laquelle tous les thés sont produits.
Ces théiers sont, dans l’immense majorité des pays producteurs, cultivés de manière maîtrisée par l’homme et maintenus à hauteur d’épaule afin de permettre une grande productivité, renforcée souvent par l’ajout de pesticides et d’engrais chimiques et une cueillette mécanisée et peu précise.
Mais nous trouvons également ces théiers à l’état sauvage, dans des endroits peu accessibles, comme venus d’une autre époque et que vont mesurer jusqu’à 30 mètres de haut. Ces théiers sauvages sont extrêmement rares et précieux car ils permettent de produire une liqueur d’un goût incroyable. Ils poussent sans l’intervention humaine, avec l’engrais naturel de la faune vivant dans ces forêts de haute montagne peu accessibles à l’homme.
En septembre 2019, 400 théiers âgés de plus de 100 ans, ont été reconnus comme patrimoine national du Vietnam. Outre l’aspect gustatif apprécié par les grands amateurs de thé, ces théiers fournissent un emploi pour les minorités ethniques, les Hmong et les Zao, qui vivent dans les montagnes au nord du Vietnam dans les provinces de Ha Giang et de Yen Bai.
Le Maître de Thé Nguyen Cao Son, artisan national du Vietnam en matière de gastronomie, qui s’est vu confié la protection et l’exploitation raisonnée et éthique des théiers sauvages, lance cependant un cri d’alerte au monde entier. « Si les autorités vietnamiennes et le département de l’agriculture de la province de Ha Giang n’agissent pas vite, tôt ou tard, la Chine éradiquera le patrimoine du thé Snow Shan de Ha Giang en général et dans les zones de Tay Con Linh, de Hoang Su Phi et de Chieu Lau Thi.
Les bourgeons préparant l’hibernation pour une nouvelle récolte ont été collectés sans merci pour fabriquer des produits appelés Tra Tien en vietnamien mais aussi Ecaille de Dragon ou Thé des Fées (Fairy tea) que l’on trouve en France. Lorsqu’on coupe ainsi les bourgeons nous condamnons l’arbre dans une période de 4 à 5 ans maximum. Aujourd’hui 90% de la production de théiers sauvages et notamment des bourgeons partent en destination de la Chine vers des sociétés qui préfèrent exploiter les arbres d’un pays voisin encombrant. Une autre source du problème provient du besoin d’argent des populations locales qui succombent à la tentation de réaliser cette cueillette létale pour l’arbre.
L’argent ne doit pas tout acheter !
A ce rythme, combien de temps l’arbre de thé durera-t-il ? A quand l’extinction complète des théiers sauvages ? La guerre contre l’éradication se déroule dans les anciennes forêts de thé de Chieu Lau Thi, Hoang Su Phi. Les paysans sont toujours pauvres et les petites entreprises n’aspirent qu’aux profits. » Le message est clair ! Si la protection des théiers incombe aux autorités vietnamiennes, cette région lointaine est très difficile d’accès et impossible à protéger complètement. Tout ce que nous pouvons faire c’est de protester haut et fort contre ces actes visant à éradiquer un bien si précieux pour l’humanité toute entière et commencer par refuser de consommer ce thé de bourgeons et dénoncer sa commercialisation.
Par Raphaël Muller – Agora Vox – 29 février 2020
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