L’émaillage sur cuivre renaît de ses cendres à Huê
L’art du phap lam – émaillage sur cuivre – représente un patrimoine précieux que la dynastie des Nguyên (1802-1945) a laissé à la Cité impériale de Huê. Malgré les vicissitudes du temps, ces vestiges demeurent bien encore présents dans les palais et autres mausolées royaux.
Située dans le Centre du Vietnam, l’ancienne cité impériale de Huê (province de Thua Thiên-Huê, Centre) est un lieu significatif où se cachent moult mystères royaux, vestiges, monuments et autres sites qui sont devenus avec le temps des patrimoines de grande valeur du pays.
À Huê, il existe un art particulier qui se perpétue jusqu’à aujourd’hui et que l’on peut encore admirer sur les toits et colonnes de palais et monuments historiques. Il s’agit du phap lam ou l’émaillage sur cuivre.
Un art original
Historiquement, pendant l’hiver de l’année du Cochon de 1827, sous le règne du roi Minh Mang (1820-1841), le premier atelier de phap lam fut créé, marquant ainsi la naissance de cet art à Huê. Cet atelier était composé de 15 personnes dont l’artisan en chef Vu Van Mai. Hormis cet établissement, d’autres ateliers ont également vu le jour à Ai Tu (province de Quang Tri) et à Dông Hoi (province de Quang Binh) afin de produire des outils au service de la construction et de la décoration des palais royaux. L’art du phap lam consiste à émailler des objets d’ornement en bronze avec une ou plusieurs couches de couleurs différentes avant d’être cuits au four.
Les produits sont durables et capables de résister aux aléas climatiques. Selon les experts, les artisans ont appris cette technique de la région chinoise de Guangdong. Mais la Chine n’est pas unique dans la production de cet art. D’autres pays tels que l’Allemagne, les Pays-Bas, le Japon et l’Italie notamment, possèdent leur propre émaillage. Les produits issus de cette technique sont connus sous le nom anglais de « painted enamels », « shipouyaki » au Japon ou « Falang » en Chine.
Si les artisans étrangers utilisent cette méthode pour fabriquer des objets de décoration, de culte ou au service d’activités quotidiennes, les Vietnamiens l’appliquent au service de la construction de palais et mausolées, à Huê pour l’essentiel. Les objets obtenus sont souvent de couleur rouge, bleue, jaune, rose et indigo et les images représentées dépeignent pour l’essentiel dragons, phénix, oiseaux, fleurs, sentences parallèles ou paysages pittoresques du pays…
Restauration et préservation
Grâce aux étapes exigeantes de fabrication, les ouvrages de phap lam situés dans la cité impériale de Huê ont su conserver leur beauté et leur somptuosité, contribuant en 1993 à la reconnaissance par l’UNESCO du complexe de l’ancienne cité en tant que patrimoine culturel mondial. Aujourd’hui, le Musée des beaux-arts de Huê préserve environ une centaine d’artefacts de phap lam. Des objets de Huê sont également présents dans des musées à Berlin et Munich (Allemagne) ou encore à Rennes (France).
Selon les archives, les experts estiment que le phap lam est né à Huê en 1827 et qu’il se développa fortement sous la dynastie des rois Minh Mang (1820-1841), Thiêu Tri (1841-1847) et Tu Duc (1848-1883). Ce métier connut un déclin avant de disparaître sous le règne de Dông Khanh (1885-1889). Ainsi, entre la naissance et la disparition de cette technique, il ne s’est écoulé que 60 ans. Malgré un lapse de temps considéré comme assez court pour un art aussi ancien, ce dernier a su laisser des empreintes considérables, contribuant à enrichir le patrimoine artistique et culture de la cité impériale.
Près de 200 ans se sont écoulés. Les décorations de phap lam des monuments ont ostensiblement subi les affres du temps. Certains groupes et individus ont cherché à faire renaître la technique disparue tout en préservant les vestiges ainsi que le métier artisanal. Dô Huu Triêt, passionné et agrégé de physique, a été séduit par la quintessence des objets de phap lam et a consacré près de dix ans de recherches sur cet art. Selon lui, le plus difficile est qu’il n’existe aucun document sur cet art, disparu depuis longtemps, que ce soit sur ses origines ou ses techniques. De plus, le savoir-faire diffère grandement d’un pays à l’autre.
Après une multitude d’essais infructueux, M. Triêt et ses collaborateurs ont enfin pu percer les mystères du phap lam. Il s’est ainsi vu confier la mission de restaurer les vestiges détériorés à Huê. Une méthode que Dô Huu Triêt essaie également d’appliquer dans d’autres secteurs comme celui de la production de tableaux en laque foncée, notamment.
Situé au numéro 66 de la rue Chi Lang, ville de Huê, l’atelier de M. Triêt attire de nombreux touristes qui s’y rendent non seulement pour contempler des œuvres artistiques mais aussi afin d’expérimenter les différentes étapes de production du phap lam, un des arts les plus originaux du Vietnam.
Par Thu Hà – Le courrier du Vietnam – 18 avril 2020
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