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Coronavirus. Au Cambodge, Hun Sen se dote d’un état d’urgence sur-mesure

Sous couvert de lutte contre le coronavirus, et en l’absence d’opposition, le gouvernement de Phnom Penh a fait passer une loi mettant en péril les droits de l’homme dans le Royaume.

Vendredi 17 avril, au lendemain du Nouvel an khmer, le Sénat cambodgien a adopté en séance extraordinaire un projet de loi sur l’état d’urgence. Victoire sans surprise pour le gouvernement : depuis la dissolution controversée du Parti du sauvetage national (pro démocratie), à l’automne 2017, le Parti du peuple cambodgien du Premier ministre Hun Sen règne sans partage. Ex-communiste, devenu ultralibéral, le PPC détient l’ensemble des sièges à l’Assemblée nationale et la quasi-totalité au Sénat.

Si elle doit encore être validée par le Conseil constitutionnel, cette loi inquiète.  Ce texte, vague, sur la protection de la sécurité nationale et l’ordre public peut potentiellement être utilisé pour empiéter sur la vie privée et restreindre sans raison valable les libertés d’expression, d’association et d’assemblée »,souligne Rhona Smith, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les droits de l’homme au Cambodge.

Durée illimitée

Fin mars, Hun Sen, aux commandes du pays depuis 35 ans, présentait cet état d’urgence – prévu par la Constitution de 1991 mais jamais défini dans la loi — comme une nécessité face au coronavirus. Cela alors que le pays ne dénombre à ce jour que 122 cas positifs, dont 110 guéris. Pour Nicholas Bequelin, directeur du bureau asiatique d’Amnesty International, c’est clair :  Le pouvoir cherche à manipuler la crise du Covid-19 pour sévèrement affaiblir les droits de l’homme au Cambodge. .

L’état d’urgence pourra être proclamé sans limite de temps et pour des motifs aussi nombreux que flous. Par exemple, lorsque  le peuple de la nation est en danger , ou  pour défendre la sécurité nationale, l’ordre public, la vie et la santé des citoyens , ou encore en cas de  crise sanitaire venant de la propagation d’une maladie contagieuse . Il prévoit des peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement pour les contrevenants.

Le texte prévoit notamment la surveillance illimitée des télécommunications  par tous les moyens nécessaires  ou encore l’interdiction de diffuser des informations susceptibles  d’effrayer la population, de provoquer des troubles, d’avoir des conséquences négatives sur la sécurité nationale ou de semer la confusion… 

De quoi restreindre sérieusement une liberté d’expression déjà mise à mal. Le 7 avril, Sovann Rithy, directeur du média en ligne TVFB, a ainsi été arrêté pour incitation à commettre un crime ». Il avait seulement cité, mot pour mot, un discours où Hun Sen invitait les mototaxis à court d’argent à vendre leur moto, et les prévenait : Le gouvernement ne peut pas vous aider

Par François Camps – Ouest France – 21 avril 2020

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