La Birmanie laisse de nouveau rentrer ses expatriés
Après une vague de retours sans contrôle en mars dernier, le pays avait fermé ses frontières par peur du Covid-19. Il les rouvre progressivement à ses citoyens expatriés désireux de revenir chez eux.
Le sujet anime beaucoup les médias birmans, la communication du gouvernement fédéral ou encore les réseaux sociaux : le retour au pays des expatriés qui sont désormais coincés sans travail dans ces nombreux pays qui vivent pour beaucoup des travailleurs importés, tels les Emirats arabes unis ou Singapour, ou encore ceux qui brillaient naguère comme des eldorados, papillon redevenus chenilles.
La question se pose en effet à la fois des moyens de transports et des capacités d’accueil. Des moyens de transports puisque les vols internationaux ne peuvent plus atterrir en Birmanie sauf vols spécialement affrétés et que les frontières terrestres de la Birmanie sont fermées du côté birman ; des capacités d’accueil, puisque les arrivants doivent observer une période de quarantaine désormais fixée à trois semaines en centres ad hoc puis une semaine supplémentaire chez soi. C’est ainsi que des migrants birmans sont bloqués depuis plusieurs semaines aux frontières avec la Chine ou la Thaïlande, et que les ambassades birmanes négocient des retours aériens pays par pays avec les autorités locales.
Les vols spéciaux mis en place seront payés par les expatriés
Avec Singapour, l’ambassade est en cours de finalisation d’un vol exceptionnel de secours qui devrait relier la cite-état à Yangon courant mai. C’est la compagnie Myanmar National Airways qui assurera la liaison. L’ambassade a prévenu que les éventuels voyageurs devaient se faire connaître auprès de ses services dans un premier temps, puis acheter leur billet auprès de la compagnie aérienne. Avec la Corée du Sud, un vol est également prévu entre Séoul et Yangon, le 30 avril, avec 97 passagers à son bord. Et selon l’ambassade de Birmanie au Royaume-Uni, un vol depuis le Nord de l’Europe est en préparation pour des citoyens birmans se trouvant actuellement au Danemark, en Irlande, au Royaume-Uni ou en Suède.
Ce vol devrait rejoindre la Thaïlande, et les passagers seraient ensuite transférés vers l’aéroport international de Yangon par Myanmar National Airways ou Myanmar Airways International. Point non négligeable de ce protocole : les vols sont négociés au niveau international par la diplomatie birmane mais le coût du ticket est payé par les passagers. Des rapatriements de même type sont en pourparlers avec le Japon, l’Inde, les Philippines ou la Malaisie, ce dernier pays accueillant un grand nombre d’expatriés birmans.
Le gruyère des frontières terrestres
Au niveau des frontières terrestres, la situation était plus complexe. D’une part parce qu’il fallait préparer les centres d’accueil en quarantaine et qu’ensuite il fallait mettre en place le contrôle du flux des arrivants, afin que personne n’échappe à cette quarantaine nécessaire. D’autre part, parce que le gouvernement fédéral ne contrôle pas toutes ses frontières, loin de là, et que des voies d’accès à la Birmanie existe à travers les nombreuses enclaves dirigées par des mouvements rebelles combattants.
Sur ce plan, les nouvelles sont bonnes : sous la forte pression des populations locales, l’armée pour l’indépendance du Kachin (Kachin Independence Army. KIA) a fermé les frontières qu’elle contrôle, notamment le poste de Laiza, afin d’empêcher le virus Sars-nCov-2 de se répandre. De son côté, le Parti pour un nouvel état mon (New Mon State Party, NMSP) bloque désormais les nombreux expatriés qui cherchent depuis plusieurs semaines à contourner le passage obligatoire par Myawaddy en prenant la voie des Trois pagodes, que les forces du NMSP contrôlent, notamment les villages de Palangjapan et de Guu Bar villages. Des rumeurs circulaient que le NMSP laissait passer ceux qui payaient, le gouvernement de Nay Pyi Taw faisant d’ailleurs écho à ces bruits. L’un des dirigeants du parti a donc répondu que « cela est faux, nous ne faisons payer personne. Mais il nous a fallu laisser passer environ 160 personnes parce qu’elles étaient là, et que nous ne pouvions pas les garder dans notre zone, la population était contre et les rejetait. Nous étions inquiets que cela tourne mal. Nous avons juste négocié pour eux avec le gouvernement. Maintenant, nous ne laissons plus passer personne. Nous renvoyons tout le monde vers le poste-frontière de Myawaddy ».
Plus de 40 000 personnes en quarantaine
Myawaddy, justement, où les autorités locales viennent d’ouvrir des centres de quarantaine installés dans des monastères ou des écoles, avec une capacité d’accueil totale d’environ 2 000 lits. Le poste-frontière local devrait donc bientôt être rouvert, les expatriés voulant rentrer au pays devant d’abord signer un document contraignant sur les conditions de leur retour puis accepter un isolement de 21 jours dans l’un de ces centres et une semaine de plus chez eux. Ne pas se soumettre à ces règles contreviendrait à la loi et entraînerait automatiquement une peine de prison, prévient l’administrateur local.
C’est également la quarantaine pour les quelque 3 300 personnes qui sont revenues de Chine par la frontière avec le Kachin depuis que celle-ci est rouverte, le 16 avril. « Ceux qui habitent localement doivent observer un isolement volontaire de 3 semaines chez eux. Nous les surveillons directement. Ceux qui doivent repartir vers l’intérieur du pays observent d’abord une quarantaine de 21 jours dans un de nos centres, à part les Birmans en provenance de la région de Sagaing, qui sont trop nombreux et sont donc acheminés dans des centres d’accueil au Sagaing », détaille un responsable.
D’après les officiels, plus de 20 000 Birmans sont encore en Chine et demandent à rentrer chez eux. Selon le ministère de la Santé et des Sports, au 26 avril dernier la Birmanie comptait 7 020 centres de quarantaine pour 42 671 personnes à l’isolement.
Lepetitjournal.com – 29 avril 2020
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