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Après deux ans d’absence, l’armée birmane est de retour sur Facebook

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En août 2018, Facebook supprimait 18 comptes et 50 pages liées à la Tatmadaw – l’armée régulière birmane –, pour le motif que ces dits pages et comptes « propager des discours incitant à la haine ».

Depuis le 7 juin, ce temps est révolu et la Tatmadaw refait surface sur le célèbre réseau social. Deux comptes ont été créés, un premier intitulé L’équipe de la Tatmadaw pour les informations vraies et un second au nom du général et porte-parole de l’armée Zaw Min Tun. Lequel a d’ailleurs tenu à être précis : « Comme il y a à la fois des informations vraies et fausses [sic !], nous avons décidé de recourir à Facebook, qui est largement utilisé en Birmanie, afin de fournir rapidement à la population et aux médias des données exactes ». Avec 22 millions d’utilisateurs birmans, Facebook est de fait une source d’information à part entière dans ce pays. Même si cette « information » mélange allègrement fantaisie, mensonge et vérité… mais n’est-ce pas le cas de Facebook partout dans le monde ?

La décision intervient dans un contexte où la Tatmadaw est toujours en procès devant trois tribunaux internationaux – dont la Cour internationale de justice des Nations unies – pour crimes de guerre dans le cadre des exactions et tueries dont des musulmans de l’Arakan ont été victimes au point de devoir fuir leurs maisons pour aller se réfugier au Bangladesh voisin. L’armée régulière est à l’origine du déplacement de 740 000 de ces malheureux, de milliers de morts et de nombreux viols. Autant de faits qui ne figurent pas au rang de la vérité prônée par la Tatmadaw.

Des associations de défense des droits Humains très dubitatives…

Les velléités pédagogiques et informationnelles de l’armée laissent d’ailleurs sceptiques les associations de défense des droits de Humains. Le directeur de l’organisation non-gouvernementale (ONG) Burma Campaign UK qualifie les deux nouvelles pages de « propagande pour répandre des mensonges » et il y voit un but clair : « Ils sont sous pression et, de toute évidence, ils veulent convaincre la population que les preuves contre eux sont fausses ». La branche asiatique de l’ONG Human Rights Watch y voit plutôt le besoin de nouveaux soutiens : « Il s’agit d’essayer de revenir dans les informations que cherchent les Birmans pour tenter d’influencer leurs opinions sur ce qui se passe dans les États de l’Arakan, du Kachin et du Shan [où se déroulent aujourd’hui les guerres civiles les plus violentes de Birmanie] ainsi que dans d’autres régions où la Tatmadaw est impliquée dans des conflits avec des groupes armés dissidents ». L’ONG Fortify Rights rejoint l’avis de ses pairs : « L’utilisation de Facebook semble être un moyen de contrer les actualités rapportées par les médias plutôt que de fournir des informations exactes ». L’ONG poursuit en rappelant que pour communiquer avec le public, la Tatmadaw peut simplement continuer de publier ses communiqués de presse, comme c’est le cas depuis l’arrivée au pouvoir de la Ligue Nationale pour la Démocratie en 2016.

La page Facebook de l’armée sera-t-elle accessible dans l’Arakan ?

Communiquer sa version des faits est un luxe qui n’est pas offert à tout le monde. Le gouvernement a suspendu, le 21 juin 2019, le réseau internet dans huit circonscriptions de l’état de l’Arakan et dans une de l’état de Chin, à Paletwa. La mesure, dont l’objectif est de limiter les communications de l’Armée de l’Arakan, une rébellion combattante, doit se prolonger au moins jusqu’au 1er août. « Nous avons imposé la coupure d’internet en raison d’une situation qui peut nuire à l’intérêt public tel que le définit la loi sur les télécommunications. Nous le rouvrirons une fois que nous serons certains que cela ne portera pas atteinte à l’intérêt public. Nous lèverons la fermeture des réseaux en fonction de la situation et des conflits sur le terrain », a déclaré un haut responsable du ministère des Transports et Télécommunications. Alors que les conflits s’intensifient depuis plus d’un an, tout le monde n’est donc pas logé à la même enseigne en matière d’accès à l’information. Un député de l’Arakan déplore la situation : « Nous appelons les autorités à mettre fin à la fermeture d’internet pour le bien des populations locales, afin qu’elles puissent avoir accès aux informations sur la Covid-19 et aux dernières nouvelles sur les conflits armés ». Il pourra désormais ajouter à sa liste le besoin d’accéder à l’information qualitative de l’armée régulière… L’argument aura peut-être plus d’impact.

Peu de temps avant la suppression des comptes de la Tatmadaw, en avril 2018, le créateur de Facebook, Mark Zuckerberg, avait déclaré « nos systèmes détectent ce qu’il se passe dans la situation birmane. Nous empêchons les messages haineux de se diffuser ». Mais pour le géant des réseaux sociaux, cette volonté semble oubliée. L’entreprise américaine n’a donné aucune réponse à Radio Free Asia, qui a tenté de contacter le siège californien et l’unité en charge de la Birmanie, à Singapour, après la création des nouveaux comptes.

Par Julia Guinamard – lepetitjournal.com – 16 juin 2020

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