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En Thaïlande, les statues ne sourient plus

Au moins six monuments rendant hommage au mouvement de 1932 visant à abolir la monarchie absolue ont été démantelés.

C’est une mémoire insupportable pour la couronne thaïlandaise. Le mouvement mondial de déboulonnage de statues n’a pas épargné le pays du sourire mais, ici, ce sont des monuments dédiés au mouvement antiroyaliste de 1932, qui mena à l’abolition de la monarchie absolue, qui sont abattus.

Depuis le couronnement du roi Rama X, l’an dernier, au moins six sites rendant hommage au Parti du peuple et à sa révolution ont disparu du paysage urbain ou été renommés. Contrairement aux théories d’une transition pacifique, la chercheuse Eugénie Mérieau rappelle que « c’est uniquement sous la menace de l’établissement d’un régime républicain que le roi accepta de devenir monarque constitutionnel ».

Le pouvoir n’a toutefois pas fait de bruit autour de ces déboulonnages. Un responsable militaire s’est contenté d’indiquer que l’un de ces monuments laisserait place à un nouvel aménagement. Dans la même veine, la Gazette royale indique que deux camps militaires qui portaient le nom de dirigeants de 1932 ont été rebaptisés sur ordre du cabinet du premier ministre et général Prayuth Chan-ocha, instigateur du coup d’État de 2014.

Jeu politique verrouillé

Cette guerre des statues reflète la bataille idéologique autour des institutions actuelles. Par la répression massive, les coups d’État successifs – un tous les six ans en moyenne depuis 1932 –, la persistance des crimes de lèse-majesté et de sédition, les militaires ont réduit le mouvement démocratique à une peau de chagrin et verrouillé le jeu politique.

Fin juin, l’opposition s’est saisie de l’anniversaire du mouvement de 1932 pour se rassembler et dénoncer l’autoritarisme. L’avocat Anon Nampa a expliqué que « la nouvelle génération (…) établit un parallèle avec les abus de pouvoir actuels ». Signe des temps, à l’endroit où la monarchie constitutionnelle fut proclamée, la plaque commémorative a été remplacée par un slogan royaliste.

Par Lina Sankari – L’Humanité – 3 juillet 2020

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