La corne de buffle, ça peut rapporter gros
Le peigne de corne est le produit phare de Thuy Ung, un village de métier vieux de 400 ans de la banlieue de Hanoï. Un artisanat qui s’est perpétué jusqu’ici, tout en cherchant à diversifier ses produits pour l’exportation.
Depuis très longtemps, le village de Thuy Ung, de la commune de Hoa Binh, district de Thuong Tin, à Hanoï, est réputé pour ses très originaux produits en corne de buffle. Il s’agit de l’unique village de métier du Nord du Vietnam à fabriquer des peignes de corne. Dans ce village campagnard, plus de la moitié des 700 familles (plus de 3.000 habitants) pratique ce métier ancestral.
Selon d’anciens documents préservés dans le « Dinh » (maison commune du village), l’artisanat existait déjà au temps du roi de Lê Trung Tông (1549 -1556). L’ancêtre du métier serait le docteur Trân Dac, du village de Thuy Ung. Avec le temps, il est devenu le génie tutélaire du village, un vieux portrait incrusté de nacre est même vénéré par les villageois.
« En 1932, à sa mémoire, les villageois ont construit un grand édifice couvert de tuiles dans l’enceinte du Dinh, destiné à son culte. Désormais, à cet endroit sacré où le vieux portrait est placé sur l’autel, se déroulent annuellement deux cérémonies cultuelles importantes dédiées au génie tutélaire, du 2e mois et du 8e mois lunaires, exactement les 15e jours de chaque mois lunaire », révèle Nguyên Van Hoc, président du Comité populaire de la commune de Hoa Binh.
Tout est bon dans le buffle
« Le buffle est l’essentiel de la fortune du paysan », dit un adage vietnamien. Ce grand animal domestique se charge en effet de tout le travail agricole pénible, comme le labourage, le transport du riz… Et il n’est abattu que lorsqu’il est âgé. Si les autres villages n’utilisent que de sa viande, à Thuy Ung on récupère cornes et sabots, matières premières pour la fabrication de peignes, et d’autres objets d’art et d’artisanat. La peau est tannée pour les fabricants d’articles en cuir ; les os sont broyés pour servir d’aliment pour le bétail…
Les artisans de Thuy Ung ne se chargent pas seulement de la préparation puis du façonnage des cornes et sabots, mais aussi de la recherche de cette précieuse matière première dans d’autres villages.
« Le traitement des cornes et sabots est un processus minutieux comprenant une trentaine d’étapes », décèle Nguyên Van Long, artisan expérimenté de Thuy Ung. Et d’expliquer au détail : cornes et sabots sont séchés au soleil pendant une semaine, puis cuits dans de l’huile jusqu’à ce qu’ils deviennent tendres et élastiques. Un pressoir hydraulique les transforme ensuite en matières premières fines prêtes à être façonnées.
Après le peigne, les objets d’art
« Que les matières premières satisfont ou non aux critères de la production, cela dépend du savoir-faire de l’artisan », selon Muoi Su, patron d’un atelier familial d’envergure à Thuy Ung. Pour lui, la phase de traitement est pénible car il faut se tenir à côté du fourneau pour surveiller la cuisson, ce qui expose à des odeurs désagréables voire délétères pour la santé. « Les débutants dans le métier ont parfois du mal à s’adapter », ajoute Muoi Su.
Une fois que la matière première est préparée, on procède à la phase de fabrication proprement dite du peigne : découpage, mise en forme, taille des dents, limage, polissage…
« Les peignes de Thuy Ung se distinguent par leur qualité et leur esthétique. Ces derniers temps, nous avons réussi à diversifier nos produits en corne, en sortant des articles beaux et décoratifs, comme bracelets, tasses d’alcool ou objets d’art … », informe avec un brin d’orgueil Muoi Su. Et de montrer aussi de vraies œuvres d’art dénommées « Amour prédestiné entre dragon et phénix », « Combat de deux tigres »…
Plus d’une fois, en participant à des foires-expos à l’étranger, l’artisan Muoi Su a signé des contrats importants pour exporter vers la Corée du Sud, le Japon, la Thaïlande, la Grande-Bretagne, les États-Unis…
Par Nghia Dàn – Le Courrier du Vietnam – 29 Août 2020
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