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L’héritage français au mont Ba Vi

Des ouvrages construits au début du XXe siècle par les Français sur le mont Ba Vi, en banlieue de Hanoï, il ne reste aujourd’hui que des ruines. Les experts cherchent à restaurer ces bâtisses, tout en préservant les paysages naturels environnants.

Les Français ont laissé au Vietnam leur empreinte dans plusieurs domaines : la culture, la gastronomie ou encore l’architecture… La station climatique du mont Ba Vi en est l’un des exemples.

Niché à environ 70 km du centre-ville de Hanoï, bénéficiant d’un climat tempéré et d’un air pur, le Parc national de Ba Vi était, pendant la période coloniale, un lieu fréquenté par les Français, militaires ou civils, qui en avaient fait une station climatique, à l’instar de Tam Dao, Sa Pa au Nord et Dà Lat dans les hauts plateaux du Centre. Ils l’avaient choisi pour y construire des villas et échapper à la chaleur étouffante de l’été.

Malgré les effets destructeurs du temps sur cet héritage architectural, Ba Vi recèle des secrets éveillant la curiosité de beaucoup.

Planification française

Les Français sont considérés comme des maîtres en architecture. Certains ouvrages et bâtiments qu’ils ont construits au Vietnam perdurent à travers les siècles et sont encore aujourd’hui solides et en bon état, capables de résister aux aléas climatiques. Comment les colons français ont-ils planifié Ba Vi ? La réponse se trouve au début du XXe siècle.

Selon la croyance des Vietnamiens, Ba Vi est le nom vulgaire du mont Tan Viên qui abrite le Génie de la Montagne, Son Tinh. Celui-ci était, dans sa vie terrestre, un bûcheron nommé Nguyên Trung. Son Tinh est l’un des Quatre Immortels à gérer les régions de Son Tây, Vinh Yên et Phu Tho (Nord).

Les anciens documents français citent que le premier Français à avoir pénétré sur le massif était un résident de Son Tây nommé Muselier, en 1902. Mais ce n’est qu’en 1914 que les premiers travaux de construction ont été mis en œuvre. À cette époque-là, on accédait à Ba Vi par un sentier à 400 m d’altitude. Marius Borel, qui était le propriétaire d’une plantation au pied du massif, y a établi sa ferme d’élevage et son habitation d’été, considérée comme la première de Ba Vi.

En 1923, un autre résident français à Son Tây, Lachaud, entreprit la construction de la route en partant des étables de M. Borel jusqu’à l’altitude de 400 m, sur une longueur de 6 km. Cette route fut terminée l’année suivante par Wintrebert, préconisant l’installation d’une station climatique à l’altitude de 800 m. Mais, la route ne fut pas poursuivie plus loin et resta telle quelle jusqu’en 1937, faute de crédits, ceux-ci ayant été refusés par l’Administration du Protectorat.

À cette date, l’altitude de 400 m comprenait quatre villas. À la villa Borel étaient venues s’ajouter celles de la résidence de Son Tây, de M. Demolle (construite en 1929) et du docteur Joyeux (1935). Entre 1935 et 1939, Ba Vi s’accroissait d’un hôtel de 12 chambres et de 12 villas.  

En 1942, la station climatique est dotée d’éclairage électrique et est desservie depuis par une ligne téléphonique. L’adduction d’eau n’a pu être réalisée faute de matériaux nécessaires. L’administration a dressé un plan d’aménagement du site, dans lequel sont prévus un bureau de poste, un marché et un terrain de sports. À cette époque-là, Ba Vi est en plein essor et voit des ouvrages pousser comme des champignons dont le camp de jeunesse, installé sur le versant nord du massif, à 600 m d’altitude, en pleine forêt, de 1937 à 1942. À cela s’ajoute une garderie dont la construction est prévue pour l’été 1944 à même altitude, d’une capacité de 100 enfants…

Ba Vi a donc été doté d’un plan d’aménagement ordonné et méthodique pour les années à venir, mais les difficultés liées aux communications et au transport ont empêché certains travaux.

Joyaux terni

Plus d’un siècle s’est écoulé depuis la première construction à Ba Vi en 1902 et la localité a connu de nombreux changements. Cette villégiature a notamment été lourdement ravagée par la guerre et envahie par la nature. Les quelque 200 ouvrages précieux d’antan ne sont aujourd’hui plus que des ruines, « dévorées » par la dense végétation. À 400 m d’altitude, les tapis d’herbes luxuriants se déroulent sous les pieds des visiteurs. À 600 m, une route les conduit à flanc de montagne à l’ombre d’arbres séculaires.

À 700 m, l’ancienne résidence d’un colonel français bénéficie d’une vue sur la rivière Dà et une partie du chef-lieu de Son Tây. À 800 m, ce sont l’église et les villas qui se cachent mystérieusement dans la brume matinale. Les murs recouverts de mousse de la vieille paroisse se dressent parmi de grands arbres dont les racines cascadent le long de l’enceinte et forment un décor fantasmagorique. Il y a même un héliport à Ba Vi à 1.100 m… Tout semblait trop parfait dans cette ville d’antan, magnifique et éclatante.

Développer ou garder le statu quo ?

L’apparence désertée et fantomatique d’aujourd’hui a remplacé la prospérité de la station climatique française, mais continue d’attirer les visiteurs, notamment les jeunes. Les experts se demandent encore quoi faire de ces vestiges coloniaux. L’historien Duong Trung Quôc déclare que les Français avaient planifié Ba Vi de sorte à respecter les paysages et l’environnement alentours.

« Lorsque nous avons fait des recherches sur cette station, nous avons constaté que les Français y avaient fait une planification très stricte, notamment pour assurer leurs besoins de villégiature, sans détruire le panorama. Il s’agit d’une leçon architecturale précieuse », souligne M. Quôc.

Selon lui, si on fermait complètement la station et la désignait en tant que zone interdite, la végétation se développerait et dégraderait rapidement ces œuvres architecturales. Elles ne pourront résister aux changements climatiques, les plantes envahiront les vestiges et les noieront en une immense forêt. Par contre, si ces ouvrages sont préservés correctement, leurs valeurs esthétique et historique pourront être durablement protégées.

Le directeur du Parc national de Ba Vi, Dô Huu Thê, pour sa part, déclare qu’il importe de rénover et restaurer ces monuments, sur le principe du respect de l’histoire et de l’architecture, tout en protégeant l’environnement et la biodiversité du site.

Par My Anh – Le Courrier du Vietnam – 7 Novembre 2020

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