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«Au Cambodge, la démocratie assassinée» par Sam Rainsy

Avis à nos lecteurs qui s’intéressent à la politique cambodgienne: Gavroche est une plate forme de débats ouverte à toutes les contributions. Nous publions régulièrement, comme nous le faisons encore ici, des tribunes de Sam Rainsy, leader de l’opposition cambodgienne en exil, par ailleurs scrutateur très précis de la pandémie de Covid-19.

Cela n’exclut en rien la publication d’autres points de vue. Comme pour la Thaïlande et les autres pays de la région, Gavroche existe par un seul mot: le débat !

Une tribune de Sam Rainsy, leader de l’opposition cambodgienne en exil

Il y a seulement trois ans, jusqu’en novembre 2017, le Cambodge était encore une démocratie boiteuse mais vivante. Certes il y avait déjà un état policier, un tribunal aux ordres et un système électoral biaisé, mais une forte opposition venait de se constituer au niveau national et local sous la bannière d’un nouveau parti qui représentait pour la première fois l’opposition démocratique unie: le Parti du Salut National (PSN) qui était le seul parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale avec 55 sièges sur 123 (44%) .

Comment Hun Sen a pris peur

Devant les succès remarquables et inattendus du PSN aux élections législatives et communales de juillet 2013 et juin 2017 respectivement, le Premier ministre Hun Sen, aux commandes depuis 1985, a pris peur. Jamais l’opposition démocratique n’avait atteint de scores pareils: 44 % des voix aussi bien au niveau national que local, et cela malgré les menaces et l’intimidation, les achats de votes et une fraude électorale massive.

Une dissolution synonyme de meurtre politique

Sachant qu’il ne pourrait jamais résister à une telle poussée de l’opposition portée par le vent historique du changement, Hun Sen décida tout simplement de dissoudre le PSN. A partir de ce moment-là, on peut considérer la démocratie au Cambodge comme morte, car il ne peut y avoir de démocratie sans opposition, sans un système de pouvoirs et contre-pouvoirs. Sans concurrent sérieux, donc sans surprise, le parti au pouvoir présidé par Hun Sen, le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) remporta 100% des sièges aux dernières élections législatives de juillet 2018. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

La vraie et seule raison pour laquelle Hun Sen a fait dissoudre le PSN en 2017 était la peur. Peur de la force populaire qui ne veut plus de son régime autoritaire et corrompu et qui réclame un changement démocratique. Cette force populaire menée par le PSN est d’une ampleur sans précédent et d’une ferveur inégalée dans l’histoire moderne du Cambodge comme le montrent ces photos impressionnantes de centaines de milliers de protestataires dans les rues de Phnom Penh en 2013 et 2014. 

Kem Sokha, bouc émissaire

Hun Sen avait d’abord cherché à dissoudre le PSN par voie législative au début de 2017. En février, des lois taillées sur mesure visant spécifiquement le PSN et son président Sam Rainsy et votées à la vitesse de l’éclair par une Assemblée-croupion avaient contraint Sam Rainsy à démissionner de la présidence du PSN pour éviter précisément une dissolution du parti. Hun Sen changea alors de stratégie pour réaliser à tout prix son objectif de dissoudre le PSN: il décida d’utiliser la voie judiciaire. Le nouveau président du PSN, Kem Sokha, a été subitement accusé de « trahison » par un tribunal aux ordres. Kem Sokha fut brutalement arrêté dans la nuit du 3 septembre. C’est sur la base de cette accusation personnelle à l’encontre de Kem Sokha que la « Cour suprême » ordonna le 16 novembre la dissolution du PSN.

Aux yeux de Hun Sen la dissolution arbitraire du PSN peut paraître une solution facile et rapide pour se débarrasser administrativement et électoralement de la seule opposition politique qui lui fasse peur. Mais c’est une solution trompeuse, à courte vue et dangereuse car porteuse de troubles à moyen terme parce qu’on n’efface pas d’un trait de plume la force et la volonté populaires.

Par Sam Rainsy – Gavroche-thailande.com – 23 novembre 2020

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