Birmanie : l’armée arrête Aung San Suu Kyi et prend le pouvoir
Le porte-parole du parti au pouvoir en Birmanie a affirmé lundi que la dirigeante Aung San Suu Kyi avait été arrêtée et a accusé l’armée d’organiser un « coup d’État ». Un peu plus tard, l’armée a déclaré l’état d’urgence pour un an et transféré le pouvoir à son commandant en chef, le général Min Aung Hlaing. La communauté internationale a vivement condamné ces agissements.
La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi et plusieurs hauts représentants de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) ont été arrêtés lors d’une opération menée à l’aube, a déclaré lundi 1er février le porte-parole du parti au pouvoir.
Le porte-parole de la NLD a déclaré qu’Aung San Suu Kyi, le président de la NLD et d’autres cadres du partis ont été « pris » aux premières heures de la journée. « Nous avons entendu dire qu’elle est détenue à Naypyidaw (la capitale du pays, NDLR), nous supposons que l’armée est en train d’organiser un coup d’État », a indiqué Myo Nyunt.
« Les agissements de l’armée sont des actions qui remettent le pays sous dictature »
La NLD a ajouté qu’ Aung San Suu Kyi appelait la population à ne pas accepter le putsch mené par l’armée birmane et à manifester.
« Les agissements de l’armée sont des actions qui remettent le pays sous dictature », a dit la NLD dans un communiqué signé du nom d’Aung San Suu Kyi. « J’exhorte la population à ne pas accepter cela, à réagir et à manifester de tout coeur contre le putsch mené par l’armée ».
Un peu plus tard, dans un discours diffusé sur sa chaîne de télévision, l’armée birmane a annoncé qu’elle décrétait l’état d’urgence pour un an dans le pays et qu’elle transférait le pouvoir à son commandant en chef, le général Min Aung Hlaing. Elle a indiqué que les arrestations des hauts dirigeants s’étaient déroulées en réponse à ce qu’elle dénonce comme une fraude lors des élections législatives de novembre dernier, remportées massivement par la LND.
L’armée birmane s’est emparée lundi matin de l’hôtel de ville de Rangoun. Cinq camions militaires étaient déployés dans l’enceinte de la mairie et des soldats refoulaient les personnes à l’entrée, selon un journaliste de l’AFP.
L’accès à internet était gravement perturbé lundi en Birmanie d’après une ONG spécialisée. Les lignes téléphoniques de la capitale semblaient aussi coupées lundi matin, selon Reuters. Et la télévision publique MRTV a indiqué sur Facebook ne pas être en mesure de diffuser ses programmes habituels en raison de problèmes techniques.
La communauté internationale réagit
Ces événements surviennent après plusieurs jours de tensions croissantes entre le gouvernement civil et l’armée qui ont laissé craindre un coup d’État.
La communauté internationale n’a pas tardé à réagir. « Les États-Unis s’opposent à toute tentative de modification des résultats des récentes élections ou d’entrave à une transition démocratique en Birmanie et vont agir contre les responsables si ces mesures (les arrestations, NDLR) ne sont pas abandonnées », a dit dans un communiqué la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki.
L’Australie a pour sa part appelé l’armée birmane à libérer Aung San Suu Kyi et les autres dirigeants politiques, l’accusant de « chercher une fois de plus à prendre le contrôle » du pays. « Nous appelons l’armée à respecter l’État de droit, à résoudre les différends par des mécanismes légaux et à libérer immédiatement tous les dirigeants (politiques) issus de la société civile et les autres personnes détenues illégalement », a déclaré Marise Payne, la ministre des Affaires étrangères.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lui condamné « fermement » dans un communiqué dimanche soir l’arrestation par d’Aung San Suu Kyi. Avec « la déclaration du transfert de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires aux militaires », « ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques en Birmanie », a-t-il ajouté.
Ces arrestations interviennent alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session dans quelques heures. Sous prétexte de la pandémie de coronavirus, les élections « n’ont pas été libres, ni justes », avait assuré la semaine dernière lors d’une conférence de presse le porte-parole de l’armée, le major général Zaw Min Tun.
Les craintes avaient encore grandi quand le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing – sans doute l’homme le plus puissant de Birmanie – avait déclaré que la Constitution pouvait être « révoquée » dans certaines circonstances. Les militaires affirment avoir recensé des millions de cas de fraude, dont des milliers d’électeurs centenaires ou mineurs.
Régime militaire
Plus d’une dizaine d’ambassades, dont celle des États-Unis et la délégation de l’Union Européenne, avaient exhorté vendredi la Birmanie à « adhérer aux normes démocratiques », rejoignant l’ONU dans un chœur d’inquiétudes internationales sur un possible coup d’État.
La Birmanie est sortie il y a tout juste 10 ans d’un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d’État depuis l’indépendance du pays en 1948, remontent à 1962 et 1988.
Le parti d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, très critiquée à l’international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas mais toujours adulée par une majorité de la population, a remporté une victoire écrasante en novembre.
Il s’agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte qui a régné pendant un demi-siècle sur le pays. L’armée conserve toutefois un pouvoir très important, ayant la main sur trois ministères clés (l’Intérieur, la Défense et les Frontières).
France 24 TV avec Reuters et Agence France Presse – 1 février 2021
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