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En Birmanie, l’armée et la pandémie plus fortes que les urnes

Le coup d’Etat militaire en Birmanie ne marque pas seulement la défaite politique d’Aung San Suu Kyi, nettement victorieuse lors des dernières élections législatives du 8 novembre.

Il témoigne de l’impuissance démocratique dans un pays contrôlé depuis des décennies par une armée résolue à ne pas lâcher prise. Surtout lorsque la situation sanitaire lui permet de tout verrouiller

L’icône a donc chuté face aux fusils. Prix Nobel de la paix 1991, égérie de la démocratie en Asie, symbole d’une résistance sans faille à l’oppression et à nouveau victorieuse dans les urnes à l’issue des législatives du 8 novembre en Birmanie, Aung San Suu Kyi n’aura pas réussi à imposer sa loi aux chefs de la Tatmadaw, la toute-puissante armée fondée en 1947 par son père, Aung San.

Arrêtée lundi à l’aube, impuissante face aux généraux unis pour reprendre l’intégralité du pouvoir et des leviers économiques, celle que le parlement birman élu s’apprêtait à reconduire dans ses fonctions de «conseillère d’Etat» (cheffe de facto de l’exécutif) se retrouve une fois de plus seule avec son peuple. Plus populaire que jamais, mais confrontée à l’échec de la démocratisation tentée depuis 2015, dans un pays où l’Etat est de longue date façonné par les hommes en uniforme, sous couvert de sauvegarde de la nation et de défense des «Birmans» contre les minorités ethniques.

En raison de la pandémie, la démocratie mise au cachot

Le fait que ce spectacle de généraux triomphants se déroule à Naypyidaw – la capitale birmane sortie de la jungle et située loin de Rangoun où demeurent la plupart des ambassadeurs occidentaux – et la controverse suscitée par les compromissions d’Aung San Suu Kyi face à la tragédie des Rohingyas ne doivent pas nous conduire à minimiser l’importance de ce putsch. C’est l’aspiration démocratique et pacifique de tout un peuple qui, en quelques heures, vient d’être mise au cachot. Cela alors qu’en Thaïlande voisine, d’autres généraux, très liés à leurs homologues birmans, dominent un gouvernement ligoté par une Constitution taillée sur mesure. Et qu’au Vietnam, le 13e congrès du Parti communiste s’est achevé hier par un discours de fermeté, «à la chinoise», sans place aucune pour toute forme de dissidence, de contestation ou de liberté de la presse.

Le constat en provenance de l’Union de Myanmar, le nom officiel de la Birmanie, est donc plus qu’amer. Il prouve combien, en cette période de pandémie, le verrouillage sanitaire et la fermeture des frontières adoptés en Asie du Sud-Est depuis le début de 2020 sont profitables à tous ceux que les urnes dérangent. Pas de journalistes étrangers sur place. Une population dissuadée de manifester par la peur du virus et de la répression. Des démocraties occidentales plus spectatrices que jamais. Le message venu de Rangoun, où l’état d’urgence a été aussitôt prolongé pour un an, nous concerne tous.

Par Richard Werly – Le Temps – 1er février 2021

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