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Birmanie : nouvelles manifestations, près d’une semaine après le coup d’Etat militaire

Des dizaines de milliers de personnes se sont notamment rassemblées dans la ville de Rangoun, malgré la censure partielle d’Internet et les arrestations par les militaires.

Des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans les rues de Rangoun, dimanche 7 février, malgré la censure d’Internet et les arrestations, pour protester contre le coup d’Etat qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi en début de semaine.

Les manifestants prévoyaient de se retrouver devant l’hôtel de ville, mais l’accès à la zone a été bloqué par des barricades. Plusieurs groupes ont donc défilé dans la ville où des policiers antiémeutes étaient déployés en nombre, notamment près de l’université de Rangoun, dans le nord de la capitale économique birmane. Aucun affrontement n’a été rapporté.

« Nous continuerons à nous rassembler jusqu’à ce que nous obtenions la démocratie. A bas la dictature », a déclaré Myo Win, un manifestant de 37 ans, sous un concert de coups de klaxons. « La dictature est enracinée dans notre pays depuis trop longtemps », a déploré Myat Soe Kyaw, alors que la Birmanie a déjà vécu près de cinquante ans sous le joug de l’armée depuis son indépendance en 1948.

« Libérez Mother Suu »

Non loin de là, des contestataires criaient : « Respectez notre vote », « Libérez Mother Suu », en référence à Aung San Suu Kyi. D’autres agitaient des drapeaux, aux couleurs de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), et faisaient le salut à trois doigts, un geste de résistance inspiré par le film Hunger Games. D’autres sont aussi sortis dans les rues aux premières heures de la journée et tapent sur des casseroles pour « chasser les démons », les militaires.

Malgré la peur, dans un pays habitué aux répressions sanglantes comme en 1988 et 2007, des habitants sont de nouveau sortis dans les rues aux premières heures de la journée pour « chasser les démons », les militaires, en tapant sur des casseroles. Un autre rassemblement se tenait à Mandalay (centre). « Nous ne pouvons accepter ce coup d’Etat totalement illégal », a déclaré à l’AFP Win Mya Mya, un député de la région.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà manifesté dans plusieurs villes pour condamner le putsch du 1er février qui a mis un terme à une fragile transition démocratique de dix ans. Les militaires ont instauré l’état d’urgence pour un an, arrêté Aung San Suu Kyi, ainsi que des dizaines de responsables politiques et des activistes.

Premier ressortissant étranger arrêté

Malgré les ordres de blocage d’Internet et des réseaux sociaux par l’armée, le rassemblement de dimanche était retransmis en ligne sur Facebook où les messages de soutien affluaient.

Après avoir été perturbées depuis plusieurs jours, les connexions Internet ont été partiellement restaurées dimanche, a-t-on appris auprès d’une ONG spécialisée. Les connexions ont été partiellement rétablies à partir de 14 heures (6 h 30 à Paris), a précisé Netblocks.

Avant cela, Internet fonctionnait seulement « à 14 % de ses niveaux habituels »« les coupures touchent l’ensemble du pays », faisait savoir l’ONG spécialisée Netblocks. « Les généraux tentent de paralyser le mouvement citoyen de résistance et de laisser le monde extérieur dans l’ignorance », déplorait Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies (ONU) sur les droits de l’homme en Birmanie.

Les arrestations se poursuivent. Plus de 160 personnes ont été interpellées, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques, installée à Rangoun. Un conseiller économique de l’ex-dirigeante de 75 ans, l’Australien Sean Turnell, était retenu dans son hôtel.

« Je suis actuellement détenu et peut-être accusé de quelque chose », a déclaré samedi à la BBC ce professeur de l’Université Macquarie en Australie. Il s’agit de la première arrestation connue d’un ressortissant étranger depuis le putsch.

Aung San Suu Kyi « en bonne santé »

Aung San Suu Kyi, très critiquée il y a encore peu par la communauté internationale pour sa passivité dans la crise des musulmans rohingyas, reste adulée dans son pays. Elle a été inculpée pour avoir enfreint une obscure règle commerciale et se trouve « assignée à résidence » dans la capitale Naypyidaw, « en bonne santé », d’après un porte-parole de la LND.

Les autorités « doivent garantir que le droit de réunion pacifique est pleinement respecté et que les manifestants ne seront pas soumis à des représailles », a tweeté le bureau des droits de l’homme des Nations unies après les manifestations de samedi.

L’ONU a appelé à la libération de tous les détenus mais n’a pas condamné formellement le coup d’Etat dans sa déclaration commune, Pékin et Moscou, soutiens traditionnels de l’armée birmane aux Nations unies, s’opposant à cette formulation. Les Etats-Unis et l’Union européenne font de leurs côtés planer la menace de sanctions.

Pour justifier son passage en force, le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs, a allégué d’« énormes » fraudes aux législatives de novembre, massivement remportées par la LND. En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d’Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution, très favorable aux militaires. Ces derniers ont promis des élections libres à la fin de l’état d’urgence.

Le Monde – 7 février 2021

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