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XIIIᵉ congrès du Parti communiste du Viêt Nam : l’art de ne rien changer

Les congrès quinquennaux du Parti communiste du Viêt Nam (PCVN), qui contrôle la totalité du pouvoir dans le pays, attirent toujours l’attention des observateurs, spécialement depuis le VIe congrès, tenu en 1986, surnommé le congrès du Đổi Mới (changer pour faire du neuf), et considéré comme le point de départ d’une nouvelle ère nationale. 

Ces grand-messes sont donc suivies de très près : on s’attend à ce qu’elles annoncent les lignes directrices pour les politiques futures et désignent les principaux acteurs du régime vietnamien.

De ces deux points de vue, le XIIIᵉ congrès, qui s’est déroulé du 25 janvier au 1er février 2021, au moment où une nouvelle vague de contaminations touche Hanoi, risquant d’engendrer des effets notables sur la gestion de la crise, aura déçu les chasseurs de grands changements. L’essence de ce congrès s’appréhende en peu de mots : Dĩ bất biến, ứng vạn biến (Recourir à l’immuable pour répondre à l’inconstant), formule officiellement exprimée par les autorités vietnamiennes. Autrement dit : pour faire face à une multitude de changements, il convient de garder ses principes et de rester imperturbable.

L’immuable et l’inchangé

« L’immuable » se ressent d’abord et avant tout dans les termes de la résolution adoptée à la clôture du congrès. Celle-ci confirme l’attachement du parti à la mise en application de la doctrine marxiste-léniniste ainsi qu’à la pensée de Hô Chi Minh ; elle réitère également les objectifs ultimes de défense de l’indépendance et de l’intérêt national, ainsi que de construction du socialisme. Le projet d’amendement de la Charte du Parti a été, par décision unanime, reporté.

« L’inchangé » pourrait s’observer, sur une autre échelle, dans la nouvelle composition des plus hautes instances du Parti. Il semble plus que jamais « urgent d’attendre », dans la mesure où les reconfigurations de la scène politique internationale demeurent complexes à maîtriser pour Hanoi. En effet, la concurrence stratégique entre les États-Unis et la Chine, toujours énergique dans ses revendications maritimes en mer de Chine méridionale, rend le contexte instable.

Hanoi est d’autant plus désireuse de ne rien changer que plusieurs indicateurs et projections économiques semblent parler en faveur du pouvoir en place.

Le pays a été cité par les institutions mondiales comme l’un des meilleurs exemples en matière de gestion de la pandémie. Le Viêt Nam, avec ses 97 millions d’habitants, est situé aux portes de la Chine, tout près de « l’œil du cyclone ». Il nous montre comment contenir la Covid-19 avec des ressources limitées, écrivent dès mars 2020 experts et journalistes avec autant d’admiration que d’étonnement.

Alors que la quasi-totalité des pays de la planète sont entrés en récession, le Viêt Nam a enregistré en 2020 un taux de croissance économique de 2,9 %. Cette même année, il a assuré sans encombre la présidence de l’Asean et est devenu membre du Regional Comprehensive Economic Partnership, le partenariat le plus important au monde en termes de production (30 % du PIB mondial) et de marché de consommation (30 % de population mondiale), regroupant les pays de l’Asean, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

L’urgence de l’unité

C’est ainsi que, comme prévu, Nguyên Phu Trong, 77 ans, a été reconduit au poste de secrétaire général du comité central du PCVN pour un troisième mandat, placé sous le signe du consensus (nhất trí) et de l’unité (đoàn kết). Face aux multiples incertitudes et impermanences, cet inlassable gardien du dogme connu pour son combat contre la corruption se présente comme la solution de la continuité.

Certains observateurs extérieurs considèrent cette reconduction comme le signe d’une mauvaise préparation des générations dirigeantes futures, voire d’un affaiblissement du PCVN, qui rassemble aujourd’hui environ 5 % de la population. Le discours intérieur, lui, met en exergue la convergence de la solidité et de l’expérience politique qu’incarne Nguyên Phu Trong, dont l’État-Parti a besoin dans le contexte actuel.

Certes, le Viêt Nam n’est pas la Chine et malgré tout ce que peut représenter Trong pour le Parti, il ne peut pas actionner autant de leviers que ceux dont dispose Xi Jinping. Trong n’aura pas autant de pouvoir que son homologue chinois en a dans son propre pays, alors même qu’il cumule les fonctions de secrétaire général du Parti et de président de la République depuis le décès en 2018 de Tran Dai Quang, alors chef de l’État.

Lors de la conférence de presse de clôture du congrès, « l’homme de la situation » pour les uns ou « l’homme par défaut » pour les autres n’a pas hésité à reconnaître son mauvais état de santé et a insisté sur l’urgence de l’unité, considérée comme étant « la condition de l’immuable ». Elle est selon lui le seul gage de réussite qui fait sens face aux défis actuels et futurs :

« Je ne suis pas si en forme, mon âge est déjà avancé […] mais le Congrès m’a élu, donc, en tant que membre du Parti je dois remplir mon devoir. Je fais de mon mieux mais, que je puisse le faire ou non, c’est grâce au collectif, à la solidarité, à l’unité, à la volonté collective, au parti tout entier, à l’ensemble du peuple et à toute l’armée. Le rôle que peut jouer chaque individu est important mais pas suffisant. »

Le sens de la continuité

Le cas de Trong n’est pas isolé. Parmi les 200 membres du comité central du XIIIe congrès (180 membres officiels et 20 membres suppléants), outre Trong, on observe neuf autres « exceptions » (à savoir des dérogations à la limite d’âge de 60 ans pour les candidats au comité central et de 65 ans pour le Bureau politique), notamment l’actuel premier ministre Nguyên Xuân Phuc, quatre membres du comité central du XIIe congrès et quatre nouveaux entrants.

Les membres officiels ayant moins de 50 ans représentent 21,1 %, dont le plus jeune a 42 ans ; les membres ayant entre 50 et 60 ans en constituent 70 % ; et ceux de plus de 60 ans 8,9 %. Il y a relativement peu de femmes membres de comité central, à peine un membre sur dix (9,5 %). Enfin, le Bureau politique élu compte 18 membres, dont une seule femme (contre trois dans le précédent Bureau politique).

Les cartes vont être prochainement rebattues, toujours dans la droite ligne de la continuité. Dans ce sens, on s’attend à ce que Nguyên Xuân Phuc, premier ministre et aussi membre du nouveau Bureau politique, soit élu président de la République, plus tard dans l’année, par l’Assemblée nationale. La question est de savoir s’il rendra alors le rôle présidentiel plus important qu’il ne l’a été jusqu’ici.

Pendant la présidence vietnamienne de l’Asean tout au long de l’année 2020, et dans la lutte contre la pandémie de la Covid-19, Phuc a été très visible tant sur la scène nationale qu’internationale, et cela – semble-t-il – en raison de la mauvaise santé réelle ou apparente du (secrétaire général) président Trong. Le remplacement de Phuc par un nouveau premier ministre, en l’occurrence Pham Minh Chinh, chef de la commission centrale d’organisation du Parti et numéro 3 du Bureau politique, apparaîtrait comme un signe de continuité hiérarchique et confirmerait les modalités de partage du pouvoir au sein de la direction collégiale du Viêt Nam.

Par Hien Do Benoit & David Camroux – The Conversation – 10 février 2021

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