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Birmanie. Soldats déployés, Internet coupé dans tout le pays… La répression s’intensifie

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Sourdes aux critiques de la communauté internationale, les forces de sécurité ont tiré, dimanche, pour disperser les opposants. Plusieurs journalistes ont été arrêtés. Dans la soirée, la junte a déployé ses blindés dans les grandes villes du pays.

Des manifestants pro-démocratie sont de nouveau dans les rues ce lundi en Birmanie, malgré l’intensification de la répression par la junte. Les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants dimanche 14 février, tandis que des militaires se sont déployés dans plusieurs villes du pays et qu’internet a été quasiment coupé pendant une grande partie de la nuit,

Plusieurs centaines d’ingénieurs et d’étudiants étaient rassemblés dans le nord de Rangoun, la capitale économique. Non loin de là, près du siège de la banque centrale, des contestataires manifestaient au milieu de véhicules de l’armée, arborant des pancartes : « Nous soutenons les appels à la désobéissance civile », « rejoignez le mouvement ». D’autres faisaient le salut à trois doigts, en geste de résistance.

Les forces de l’ordre, appuyées par des canons à eau et des véhicules blindés, étaient visibles à certains endroits de Rangoun, la capitale économique, sans toutefois de présence militaire massive à ce stade.

Aung San Suu Kyi maintenue en détention

La veille, les manifestants se sont notamment réunis près de la célèbre pagode Shwedagon à Rangoun, pour réclamer la fin de la dictature et la libération de Aung San Suu Ky, prix Nobel de la paix 1991, arrêtée par l’armée le 1er février. Alors que sa détention provisoire devait expirer ce lundi, elle est prolongée jusqu’à mercredi suite au report de l’audience devant un tribunal, a indiqué son avocat.

Des chars ont été aperçus dimanche à Rangoun, tandis que des déploiements de soldats ont été constatés dans d’autres villes, d’après des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Près de la gare centrale, des habitants ont bloqué une rue à l’aide de troncs d’arbres pour empêcher la police de pénétrer dans le quartier. Ils ont ensuite reconduit des policiers, arrivés pour chercher des employés des chemins de fer grévistes et les forcer à reprendre le travail.

Coupures d’internet généralisées

Les télécommunications du pays étaient de nouveau très perturbées avec « une coupure internet quasi-générale » dans l’ensemble du pays, selon l’ONG de surveillance d’internet Netblocks.

Ces importantes perturbations « ont commencé vers 01 h heure locale dimanche » a fait savoir l’organisation, précisant qu’« internet fonctionnait à 14 % de ses niveaux habituels ».

D’après l’ONG, les connexions ont été rétablies ce lundi dans la matinée.

Cinq journalistes arrêtés

Les forces de sécurité ont eu recours à des canons à eau puis des détonations ont retenti. « Il y a quelques minutes, la Tatmadaw (l’armée en birman) ​a été renforcée par des blindés, puis ils ont commencé à tirer », a déclaré un habitant souhaitant rester anonyme par crainte de représailles.

À Myitkyina, dans le Nord, plusieurs personnes ont été blessées quand les forces de l’ordre ont tiré pour disperser des manifestants, d’après une journaliste locale. « Ils ont lancé du gaz lacrymogène, puis ont tiré », a-t-elle déclaré, sans pouvoir préciser si des balles réelles ou des munitions en caoutchouc avaient été utilisées.

Cinq journalistes ont été arrêtés, d’après un média local, tandis que des blindés ont commencé à patrouiller dans d’autres grandes villes du pays. Des soldats ont également été déployés devant plusieurs centrales électriques.

Les chefs de la junte « tenus pour responsables »

Les chefs de la junte seront « tenus pour responsables » des violences en Birmanie, a averti dimanche le rapporteur de l’ONU. « C’est comme si les généraux avaient déclaré la guerre au peuple birman », a tweeté Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie.

 À l’attention des généraux : vous serez tenus pour responsables ».

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a demandé au pouvoir birman de « garantir que le droit de se réunir pacifiquement est pleinement respecté et que les manifestants ne sont pas soumis à des représailles ».

Antonio Guterres a également demandé aux militaires d’autoriser « d’urgence » la diplomate suisse Christine Schraner Burgener à venir sur place « pour évaluer directement la situation », a précisé son porte-parole.

Inquiétudes des nations étrangères

L’ambassade des États-Unis a recommandé à ses ressortissants de se mettre à l’abri. À Rangoun, la première ville du pays, des chars ont été aperçus.

Plusieurs ambassades occidentales ont exhorté l’armée à ne pas engager de mesures punitives.  Nous demandons aux forces de sécurité de ne pas recourir à la violence contre les manifestants et les civils qui protestent contre le renversement de leur gouvernement légitime , ont écrit sur Twitter les représentations diplomatiques des États-Unis, du Canada et de plusieurs pays de l’Union européenne.

L’armée traque des militants

L’armée a de son côté diffusé une liste de sept militants parmi les plus renommés de Birmanie, qu’elle recherche activement pour avoir encouragé les manifestations.

 Si vous trouvez les fugitifs mentionnés ci-dessus ou si vous avez des informations à leur sujet, signalez-vous au poste de police le plus proche ​, a-t-elle écrit dans un communiqué publié dans les médias d’État.  Ceux qui les hébergent seront (confrontés) à des actions conformément à la loi ​.

Depuis le putsch, quelque 400 personnes ont été arrêtées, des responsables politiques, des militants et des membres de la société civile, y compris des journalistes, des médecins et des étudiants.

« Ils arrêtent les gens la nuit »

Sur la liste des sept  fugitifs  ​figure le nom de Min Ko Naing, un leader du mouvement étudiant de 1988, qui a déjà passé plus de 10 ans en prison. Ils arrêtent les gens la nuit et nous devons être prudents ​, a-t-il déclaré quelques heures avant l’émission de son mandat d’arrêt.

 Ils pourraient sévir avec force et nous devrons être préparés  ​a-t-il ajouté dans une vidéo publiée sur Facebook, malgré l’interdiction faite par la junte d’utiliser cette plate-forme.

La peur des représailles est dans tous les esprits en Birmanie, où les derniers soulèvements populaires de 1988 et 2007 ont été réprimés dans le sang par les militaires.

Libération de 23 000 prisonniers

Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a doté samedi les forces de l’ordre de pouvoirs d’exception. Elles peuvent procéder à des perquisitions sans mandat ou placer en détention des personnes pour une courte période sans l’autorisation d’un juge.

En réaction aux arrestations, des comités de vigilance citoyenne ont vu spontanément le jour : des habitants sont chargés de surveiller leur voisinage en cas d’opérations menées par les autorités pour arrêter des opposants. « Nous ne faisons confiance à personne pour le moment, en particulier pas à ceux qui portent des uniformes », a déclaré Myo Ko Ko, membre d’une patrouille de rue dans un quartier du centre de Rangoun.

Certains Birmans craignent aussi que la libération massive cette semaine de plus de 23 000 prisonniers par l’armée n’ait été orchestrée pour semer le trouble en relâchant des individus peu recommandables, tout en faisant de la place dans les prisons pour les détenus politiques.

Ouest-France avec Agence France Presse et Reuters – 14 février 2021

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