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La méthamphétamine a la cote durant la pandémie

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La chute des voyages aériens due au coronavirus a profondément perturbé le marché. La Thaïlande ne peut plus jouer son rôle de plaque tournante, alors il faut écouler la marchandise sur place et à bas prix.

Moins cher qu’un café et assez fort pour lui permettre de sillonner les rues de Bangkok sans s’endormir: moto-taxi, Soonthorn tient le coup en inhalant des vapeurs de méthamphétamine.

Même une pandémie n’a pas ralenti le boom de la pilule «yaba» en Thaïlande. Soonthorn en consomme depuis des années et les trafiquants ciblent maintenant de nouveaux publics.

La chute des voyages aériens due au coronavirus a profondément perturbé le marché. La Thaïlande ne peut plus jouer son rôle de plaque tournante, alors il faut écouler la marchandise sur place et à bas prix.

«L’approvisionnement vient essentiellement de la région du Mékong (…) et la drogue n’atteint plus les marchés à forte valeur ajoutée comme l’Australie ou le Japon parce que la logistique n’est plus là», explique Jeremy Douglas de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.

«Il y a beaucoup d’utilisateurs potentiels (en Thaïlande). Il suffit de créer la demande», ajoute-t-il. Dans le bidonville de Khlong Toei, à Bangkok, les pilules s’échangent 50 bahts (1,4 euro).

Soonthorn dit que parfois, lorsqu’il travaille sans en prendre, son «cerveau est en manque». «Les toxicomanes appellent ça être dans le speed, on fait tout plus vite, on peut travailler plus dur et gagner plus d’argent», raconte-t-il à l’AFP.

Père de quatre enfants, au plus fort de sa dépendance, il volait dans les magasins et même sa propre famille pour s’acheter ses doses. «Chaque occasion était bonne – montres, colliers, bagues (…) la drogue était la première des priorités pour moi», se souvient-il.

Le Laos, nouvelle porte d’entrée

Le triangle d’or, aux confins de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande, est depuis des décennies le point central de la production de drogues en Asie du Sud-Est.

Les drogues synthétiques ont explosé dans certaines parties de la Birmanie, où elles sont la principale source de revenus des milices combattant l’armée du pays et du crime organisé.

C’est une activité lucrative – en 2019, le trafic de drogue a généré au moins 71 milliards de dollars de bénéfices dans la région. Et la méthamphétamine représente 85% de ce trafic, selon les estimations de l’ONU.

Avec le renforcement des contrôles à la frontière pour freiner l’épidémie de Covid-19, les trafiquants ne peuvent plus exporter directement vers la Thaïlande. Ils empruntent une nouvelle route, plus longue, via le Laos.

«L’avantage du Laos est que les trafiquants de drogue peuvent faire naviguer des bateaux sur le Mékong», explique Jeremy Douglas. Et la pandémie n’a pas freiné la production de pilules en Birmanie, en raison notamment de l’accès facile à la matière première chimique venue de Chine ou d’Inde, selon Inshik Sim, spécialiste des produits stupéfiants à l’ONU.

Les prises font la une des journaux en Thaïlande, qui a saisi depuis le début de l’année plus de 14 millions de pilules lors de plusieurs opérations et arrêté 19 trafiquants.

Drogue pas chère et coût social élevé

Jum, 32 ans, ancienne toxicomane, a fait l’expérience de la force surhumaine que lui apportait la pilule pour porter des sacs de riz. «Dans mon boulot de docker, je me sentais aussi forte qu’un homme. Même eux étaient surpris par ma force», raconte-t-elle à l’AFP.

Avec la récession et les confinements, Shaowpicha Techo, psychologue spécialiste des dépendances, s’attend à une augmentation de la toxicomanie liée à la méthamphétamine cette année.

«Quand ils ont trop de temps libre et parce que l’accès à la drogue est facile, les utilisateurs ne peuvent plus se contrôler», a-t-il déclaré à l’AFP. En réponse, son équipe a lancé en octobre dernier à Khlong Toei des groupes de parole mensuels ouverts à tous.

La réadaptation prend des années et les dommages de la dépendance ne se réparent pas aisément. Assise dans un terrain de jeu de son bidonville, Jum pense à ses quatre enfants placés à l’orphelinat. «J’essaie de rebâtir ma vie, trouver un travail convenable, un logement permanent et récupérer mes enfants», dit-elle.

«Quand je vois mes enfants le week-end, ils me demandent toujours: «Quand est-ce qu’on pourra rentrer à la maison et vivre avec toi? Je leur dis que maman essaie de toutes ses forces, mais qu’il faut être patient.»

Agence France Presse – 17 février 2021

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