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En Birmanie, les militaires infligent deux nouvelles inculpations à Aung San Suu Kyi

Malgré la peur des représailles, les contestataires étaient de nouveau dans les rues lundi où les manifestations ont fait une trentaine de morts depuis le 1er février.

C’est sa première apparition depuis son arrestation, le 1er février. Déjà poursuivie pour avoir enfreint d’obscures règles commerciales et sanitaires, l’ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi comparaissait, lundi 1er mars, en vidéoconférence devant la justice. L’ex-dirigeante de 75 ans, renversée par un coup d’Etat et assignée à résidence dans la capitale Naypyidaw, a été inculpée pour deux nouvelles infractions, a annoncé son équipe d’avocats.

La prix Nobel de la paix est désormais poursuivie pour avoir violé une loi sur les télécommunications et pour « incitation aux troubles publics », a détaillé l’avocat Nay Tu. Aung San Suu Kyi, tenue au secret depuis son arrestation, était déjà poursuivie pour avoir importé illégalement des talkies-walkies et pour ne pas avoir respecté des restrictions liées au coronavirus. Elle semble « en bonne santé », a déclaré son avocat Khin Maung Zaw, qui voyait pour la première fois sa cliente, n’étant toujours pas autorisé à la rencontrer.

Aucun motif politique n’a, à ce stade, été avancé alors que les généraux ont justifié leur putsch en alléguant d’« énormes » fraudes aux élections de novembre, remportées massivement par le parti de la Prix Nobel de la paix. Ces nouvelles inculpations surviennent au lendemain d’une journée de répression particulièrement sanglante.

Après près d’un mois de mobilisation contre le coupe d’Etat militaire avec des manifestations quotidiennes et une campagne de désobéissance civile, au moins 18 personnes ont été tuées dimanche, selon les Nations unies qui se basent sur « des informations crédibles ».

Nouvelles manifestations lundi

Malgré la peur des représailles, les contestataires étaient de nouveau dans les rues, lundi, et les tensions étaient vives. Près de la prison d’Insein à Rangoun, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants rassemblés pour protester contre les multiples arrestations de la veille, d’après une retransmission en direct sur les réseaux sociaux.

Il n’était pas possible, à ce stade, de savoir si les tirs ont été effectués à balles réelles ou avec des munitions en caoutchouc. « Nous sommes unis », ont scandé les contestataires.

Dans d’autres endroits de la capitale économique, certains manifestants ont érigé des barricades de fortune avec des panneaux de bois, des canapés ou des poteaux en bambou pour se protéger. La police a tiré avec des balles en caoutchouc pour tenter d’en disperser certains, d’après un média local qui fait état de plusieurs blessés.

Trois manifestants sont notamment morts à Dawei, dans le sud du pays, touchés par « des tirs à balles réelles », selon un secouriste. Des habitants sont descendus lundi matin dans les rues de la ville côtière pour déposer des fleurs rouges et allumer des bougies devant les portraits des victimes.

« L’armée birmane est une organisation terroriste », a réagi sur Facebook Thinzar Shunlei Yi, une militante de premier plan. Les médias d’Etat ont averti, dimanche, que « des mesures sévères seront inévitablement prises » contre des « foules anarchiques ».

Une trentaine de morts depuis le putsch

On dénombre, désormais, une trentaine de morts dans les rangs des manifestants depuis le putsch du 1er février, d’après AAPP, une ONG d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP pour Assistance Association for Political Prisoners). L’armée affirme, pour sa part, qu’un policier a péri en tentant de disperser un rassemblement.

L’utilisation par la police et l’armée d’armes létales contre des manifestations largement pacifiques a suscité un nouveau concert de protestations internationales. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a condamné sur Twitter « la violence abominable des forces de sécurité birmanes »« L’usage de forces létales (…) et les arrestations arbitraires sont inacceptables », a réagi, de son côté, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

L’ambassadeur birman aux Nations unies, Kyaw Moe Tun, avait lui-même rompu quelques jours plus tôt de manière spectaculaire avec les généraux putschistes en appelant à « mettre fin au coup d’Etat militaire » et à « rendre le pouvoir de l’Etat au peuple ». Il a été démis de ses fonctions par la junte.

« Le monde doit intensifier sa réponse »

Les nombreuses protestations internationales et l’annonce de sanctions par les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont, pour l’instant, pas réussi à infléchir les militaires. 

« Le monde doit intensifier sa réponse. Les mots de condamnation sont les bienvenus mais sont insuffisants », a déploré le rapporteur spécial des Nations unies l’ONU, Tom Andrews, ajoutant qu’il allait publier ce lundi une liste d’options à proposer au Conseil de sécurité.

Les vagues d’arrestations se poursuivent et plus de 1 100 personnes ont été interpellées, inculpées ou condamnées depuis le coup d’Etat, selon l’AAPP. Un média officiel a fait état de 571 arrestations pour la seule journée de dimanche. Plusieurs journalistes ont été arrêtés ces derniers jours, dont un photographe de l’agence Associated Press.

Le Monde avec Agence France Presse – 1er mars 2021

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