Kyal Sin, 19 ans, devient un symbole de la répression en Birmanie après avoir été tuée par la junte
Kyal Sin portait un tee-shirt avec l’inscription « Everything is all right » (« tout ira bien ») quand elle a été touchée à la tête par un tir mortel des forces de sécurité lors d’un rassemblement prodémocratie mercredi à Mandalay.
En quelques heures, elle est devenue le symbole de la résistance de la jeunesse birmane contre l’armée meurtrière. Kyal Sin, 19 ans, portait un tee-shirt avec l’inscription « Everything is all right » (« tout ira bien ») quand elle a été touchée à la tête par un tir mortel des forces de sécurité lors d’un rassemblement prodémocratie mercredi à Mandalay, dans le centre du pays.
La haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a appelé, jeudi 4 mars, l’armée birmane à cesser « d’assassiner et d’emprisonner les manifestants ».
Au moins 38 manifestants ont été tués dans le pays mercredi, journée de répression la plus meurtrière depuis le coup d’Etat du 1er février. Sur des images prises peu avant son décès et diffusées sur Internet, on aperçoit Kyal Sin à moitié allongée derrière une barricade de fortune. Puis elle rampe et court pour tenter de se mettre à l’abri, tandis que des détonations retentissent au milieu de nuages de gaz lacrymogènes.
A l’annonce de sa mort, le slogan sur son tee-shirt est devenu viral sur les réseaux sociaux, où les messages ont afflué : « Tu es notre héroïne », « Tu brilles déjà dans les étoiles », « On continuera le combat jusqu’au bout ».
« Il n’y aura pas de pardon »
Dans un pays habitué aux répressions sanglantes de l’armée comme en 1988 et en 2007, la jeune adepte de danse et d’arts martiaux, surnommée « Ange », n’ignorait pas les risques. Quelques jours avant sa mort, elle avait pris les devants sur sa page Facebook, communiquant son groupe sanguin et donnant son accord pour un don d’organes au cas où il lui arriverait quelque chose.
« Ange » a voté pour la première fois le 8 novembre aux législatives remportées massivement par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi. Fière, elle poste ce jour-là sur Facebook une photo d’elle en train d’embrasser son doigt taché de violet pour montrer qu’elle s’est rendue aux urnes. « J’ai fait mon devoir de citoyenne. (…) J’ai voté avec mon cœur », écrit-elle.
Moins de trois mois plus tard, la junte, allégeant des irrégularités lors de ce scrutin, renverse Aung San Suu Kyi. Kyal Sin rejoint rapidement le mouvement de désobéissance civile, s’affichant sur les réseaux sociaux avec des drapeaux rouges aux couleurs de la LND et faisant le salut à trois doigts en signe de résistance.
L’adolescente a toujours vécu à Mandalay, deuxième ville du pays, où ses parents tiennent un salon de beauté. « Leurs affaires marchaient bien, elle aurait pu se contenter de vivre tranquillement, mais elle était très en colère, elle voulait faire tomber Min Aung Hlain », le chef de la junte, explique Linlae Waddy, son amie d’enfance.
Jeudi, des milliers de personnes ont assisté à ses funérailles à Mandalay. « Il n’y aura pas de pardon pour vous jusqu’à la fin du monde », a chanté l’assemblée, réunie devant son cercueil entouré de fleurs, tandis que des jeunes ont promis de « lutter contre la dictature jusqu’à la fin ». Au moins 54 personnes ont été tuées et plus de 1 700 arrêtées depuis le coup d’Etat du 1er février. Le nombre réel de morts pourrait cependant être bien plus élevé. Parmi les victimes, quatre mineurs, dont un adolescent de 14 ans.
Le Monde avec Agence France Presse – 4 mars 2021
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