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« Chassons le dictateur ! » : en Birmanie, un appel à « l’arrêt complet » de l’économie

Permettre aux activités économiques de se poursuivre ne ferait qu’aider l’armée, estiment les principaux syndicats birmans, qui ont appelé à intensifier la grève lundi.

Au lendemain d’une nouvelle journée de répression des manifestations contre le coup d’Etat militaire du 1er février et de raids des forces de sécurité, les principaux syndicats birmans ont appelé à intensifier la grève, lundi 8 mars, pour étouffer la fragile économie du pays et faire pression sur la junte. Les banques, des commerces et des usines sont fermés. Des fonctionnaires, des agriculteurs et des salariés du privé participent à des rassemblements prodémocratie, notamment à Rangoun, la capitale économique. « Chassons le dictateur ! », le chef de la junte, Min Aung Hlaing, lancent certains, d’autres font le salut à trois doigts en signe de résistance.

Neuf des plus importants syndicats ont appelé à « l’arrêt complet et prolongé de l’économie » à partir de lundi. « Le moment est venu d’agir. » Permettre aux activités économiques de se poursuivre ne ferait qu’aider l’armée, qui « réprime l’énergie du peuple birman », ont-ils écrit dans un communiqué commun. Résultat : des usines de textile, un secteur en plein essor avant le coup d’Etat du 1er février, des centres commerciaux, les banques et les postes gardent porte close.

La junte a pour sa part mis en garde les fonctionnaires : ceux qui n’auront pas repris le travail à partir de lundi seront licenciés. Les appels à la grève, lancés dès les premières heures qui ont suivi le coup d’Etat du 1er février, ont déjà eu un impact important sur de nombreux secteurs, avec des banques incapables de fonctionner, des hôpitaux fermés et des bureaux ministériels vides.

Les forces de sécurité déployées dans Rangoun

Des minorités ethniques ont rejoint la contestation. Près de la ville de Dawei (sud), des centaines de Karen manifestent, brandissant leur drapeau bleu, blanc rouge et appelant à « en finir avec la dictature ». Le cortège est escorté par des rebelles de la faction armée Union nationale karen (KNU), venue protéger les protestataires contre d’éventuelles violences des forces de sécurité. Des Birmanes, en nombre, ont rejoint les défilés pour célébrer la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Dès le début de la matinée, les forces de sécurité se sont déployées en nombre dans certains quartiers de Rangoun, la capitale économique. « Ils utilisent des grenades assourdissantes pour empêcher les manifestants de se rassembler », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un habitant de Sanchaung, théâtre de violences ces derniers jours.

Moines, étudiants, fonctionnaires… des milliers de Birmans ont par ailleurs manifesté dimanche à travers tout le pays, notamment à Mandalay, dans le centre du pays, où un grand sit-in a été organisé. La police et l’armée ont fait usage de gaz lacrymogène, de munitions en caoutchouc, mais aussi de balles réelles pour disperser les rassemblements, d’après des témoignages recueillis par l’AFP.

Des dizaines de contestataires ont été arrêtés et plusieurs blessés, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des manifestations qui se tenaient « dans des zones résidentielles, dans l’enceinte d’édifices religieux, d’hôpitaux et d’un campus ont été violemment réprimées », selon l’organisationnon gouvernementale (ONG) birmane. Et « des policiers ont été vus en train de brandir des couteaux en direction des manifestants, des jeunes ont été battus et frappés à coups de pied ».

Les forces de sécurité ont été déployées dimanche soir dans plusieurs quartiers de Rangoun et des détonations ont été entendues. Samedi, des raids nocturnes avaient déjà visé des responsables de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, plusieurs avaient été arrêtés et un représentant local du mouvement, Khin Maung Latt, battu à mort.

« Haute trahison »

Les députés qui ne reconnaissent pas la légitimité du coup d’Etat et ont créé un comité pour représenter le gouvernement civil se rendent coupables de « haute trahison », un crime passible de la peine de mort ou de vingt-deux ans de détention, a averti la junte.

Plus de cinquante manifestants ont été tués depuis le putsch qui a renversé la Prix Nobel de la paix 1991. Les médias d’Etat nient toute implication de la police et de l’armée dans la mort de civils, expliquant qu’elles ont « dû contenir des émeutes en accord avec la loi ». Mais des images largement diffusées ont montré les forces de sécurité en train de tirer à balles réelles sur des rassemblements et d’emporter les corps inanimés de manifestants.

Responsables locaux, journalistes, militants, artistes… des centaines de personnes ont été interpellées depuis le putsch. Face a la détérioration de la situation, des Birmans fuient. Une cinquantaine, dont huit policiers qui refusaient de prendre part à la répression, ont gagné l’Inde voisine, à la frontière de laquelle des dizaines d’autres se sont massés.

Les généraux font la sourde oreille face au concert de protestations de la communauté internationale, divisée sur la réponse à apporter. Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) n’a pas réussi, vendredi, à se mettre d’accord sur une déclaration commune et des négociations doivent se poursuivre cette semaine. La junte, qui conteste le résultat des élections législatives de novembre, remportées massivement par la LND, a promis la tenue d’un nouveau scrutin, sans dévoiler aucun calendrier.

Le Monde avec Agence France Presse – 8 mars 2021

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