Birmanie : les forces de sécurité déployées dans Rangoun après une nuit de raids et d’arrestations
Dans la nuit de lundi à mardi, des centaines de contestataires ont été acculés pendant des heures dans le quartier de Sanchaung, à Rangoun.
Les forces de sécurité se déploient de nouveau, mardi 9 mars, à Rangoun, en Birmanie, après avoir encerclé des centaines de manifestants contre le coup d’Etat militaire dans le centre-ville la nuit dernière. Des axes de la capitale économique sont bloqués par les militaires et les commerçants se dépêchent d’écouler leur marchandise avant d’éventuelles nouvelles violences, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP).
Dans la nuit de lundi à mardi, des centaines de contestataires, dont de nombreuses Birmanes venues célébrer la Journée internationale des droits des femmes, ont été acculés pendant des heures dans le quartier de Sanchaung, théâtre de multiples rassemblements contre la junte ces derniers jours. Les forces de sécurité ont fouillé les maisons à la recherche de manifestants et des détonations ont été régulièrement entendues.
Les médias d’Etat ont averti que quiconque serait surpris en train de cacher des protestataires serait puni.« La police a inspecté toutes les habitations de la rue. Ils sont venus dans notre appartement, mais nous n’avions caché personne » et ils sont repartis, a relaté un résident. « Ils nous ont dit de ne pas les regarder, sinon ils allaient tirer », a rapporté un autre. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
Nouvelle salve de protestations internationales
Pour soutenir les manifestants assiégés, des centaines d’habitants ont bravé le couvre-feu imposé par les autorités en descendant dans les rues. « Libérez les étudiants ! », ont-ils scandé, les forces de sécurité tirant, notamment des grenades assourdissantes, pour tenter de les disperser. Les protestataires ont pu quitter le quartier aux premières heures du jour.
« La patience du gouvernement est épuisée », ont mis en garde les médias d’Etat après cinq semaines de manifestations quotidiennes contre le coup d’Etat militaire.
Les événements de Sanchaung ont conduit à un nouveau concert de protestations internationales. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exhorté à « la retenue maximale » et à « la libération » des manifestants « sans violences ni arrestations ». La représentation de l’Union européenne en Birmanie, les ambassades des Etats-Unis et du Royaume-Uni, l’ancienne puissance coloniale, ont diffusé des messages similaires.
Une intensification de la mobilisation appelée
La junte poursuit plus que jamais sa répression pour tenter d’éteindre l’insurrection pacifique contre le coup d’Etat qui a renversé Aung San Suu Kyi le 1er février. Trois manifestants ont été tués lundi et plusieurs blessés.
L’armée plonge tous les jours davantage le pays « dans un climat de peur », déplore l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), qui recense au moins 60 civils tués depuis le putsch et plus de 1 800 arrêtés.
Organisations non gouvernementales, médias, responsables politiquesont été la cible de multiples raids ces derniers jours. Une opération de police a eu lieu lundi contre l’agence de presse Myanmar Now. La Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, est aussi particulièrement visée avec de nombreux responsables arrêtés ces derniers jours et un représentant local tué.
Les militaires ont confirmé avoir pris le contrôle d’hôpitaux publics et de campus universitaires « à la demande de citoyens qui ne veulent pas voir d’instabilité dans leur pays ».
Médecins, enseignants, avocats et autres fonctionnaires se sont mis en grève depuis le coup d’Etat. Les syndicats ont appelé à intensifier le mouvement à partir du 8 mars pour paralyser l’économie et faire pression sur la junte. Cette dernière a, pour sa part, mis en garde les fonctionnaires : ceux qui n’auront pas repris le travail à partir du 8 mars seront licenciés.
Le Monde avec Agence France Presse – 9 mars 2021
Articles similaires / Related posts:
- Birmanie : l’armée poursuit les arrestations, la contestation s’intensifie En Birmanie, la junte militaire poursuit les interpellations et la campagne de désobéissance s’organise suite au coup d’État militaire. Des centaines de professeurs et d’étudiants se sont notamment réunis devant l’Université Dagon à Rangoun....
- Birmanie : pour les militaires, les affaires sont les affaires Le putsch de Min Aung Hlaing serait motivé par ses intérêts économiques : le général a ses entrées dans deux conglomérats dont les activités lucratives sont dépendantes des décisions politiques du gouvernement....
- Birmanie : la police tire des balles en caoutchouc contre les manifestants Au quatrième jour d’importantes manifestations, la tension monte dans plusieurs villes du pays. La loi martiale a été déclarée dans certaines régions....
- Birmanie : manifestations en écho à celles de 1962 contre la première junte Des opposants à la junte au pouvoir depuis plus de cinq mois en Birmanie sont descendus mercredi dans les rues de Rangoun pour marquer l’anniversaire des manifestations étudiantes de 1962 contre la première junte alors au pouvoir....
- Un an après le coup d’Etat, la Birmanie s’enlise dans un long conflit Le 1er février 2021, l’armée birmane renversait le gouvernement d’Aung San Suu Kyi, mettant fin à une décennie de transition démocratique. Mais la junte ne s’attendait pas à une telle résistance et, un an après, la rébellion se poursuit et la répression s’intensifie....