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90% du PIB, les Thaïlandais englués dans le piège infernal de la dette

Avec un endettement des ménages qui pourrait dépasser les 90% du PIB au 1er trimestre, la Thaïlande va entamer sa reprise économique des boulets aux pieds et une épée de Damoclès au-dessus de la tête

Comme beaucoup de Thaïlandais, Jamras Kongchai peine depuis plusieurs années à rembourser ses dettes qui se montent aujourd’hui à 500.000 bahts (13.500 euros), car l’argent de la vente de ses récoltes de riz ne lui permettent pas d’effectuer les paiements demandés par la banque.

Comme si cela ne suffisait pas, les mesures sanitaires contre le coronavirus ont entraîné la fermeture d’une petite entreprise de construction pour laquelle la rizicultrice travaillait pour 9 euros par jour, la privant d’un revenu d’appoint indispensable.

« Je suis tellement endettée et je ne sais pas quoi faire », se désespère cette célibataire de 51 ans, mère de deux enfants, qui fait il y a quelques jours le déplacement à Bangkok depuis sa province de Kamphaeng Phet, dans le nord du pays, pour rejoindre une manifestation de riziculteurs endettés qui demandaient au gouvernement de les aider à réduire leur dette.

Jamras a remboursé seulement une partie des intérêts depuis 2013 et n’a même pas entamé le prêt en lui-même. Cette année, elle doit payer pas moins de 40.000 bahts d’intérêts, mais elle n’a pas d’argent. « J’espère obtenir une aide », dit-elle.

Les plus gros emprunteurs d’Asie

Les ménages thaïlandais sont parmi les plus gros emprunteurs d’Asie, et il leur est de plus en plus difficile de suivre le rythme des paiements. Leurs dettes totalisaient fin décembre 14.000 milliards de bahts, soit 89,3% du produit intérieur brut (PIB) – le ratio était de 78,1% en 2017. 

Il s’agit du taux d’endettement des ménages le plus élevé dans le royaume depuis que la banque centrale a commencé à en faire le suivi en 2003.

Or, un fort endettement constitue un risque pour la stabilité financière du pays et il restreint naturellement les dépenses de consommation, amenuisant les perspectives de reprise au sortir de la crise du coronavirus, laquelle aggrave encore davantage l’incapacité des gens à rembourser. Un vrai cercle infernal.

L’année dernière, l’économie thaïlandaise a enregistré sa plus forte contraction depuis la crise financière asiatique de la fin des années 90, les mesures sanitaires locales et internationales ayant provoqué une forte baisse des exportations et l’effondrement de l’activité touristique.

Le mois dernier, la banque centrale a réduit ses perspectives de croissance pour l’année de 3,2% à 3%, soulignant qu’il faudra attendre au moins la moitié de 2022 pour espérer retrouver le niveau d’avant le Covid.

« Même avant le Covid, notre dette par rapport au PIB était déjà la plus élevée au sein des marchés émergents », rappelle Yunyong Thaicharoen, économiste en chef à la Siam Commercial Bank.

« Elle se situe au-dessus d’un niveau qui a un impact considérable sur le PIB et les dépenses des ménages », souligne-t-il, ajoutant que le taux d’endettement pourrait culminer à 90-91% du PIB au premier trimestre.

Le gouvernement a promis de distribuer pour 1.000 milliards de bahts d’aides afin d’atténuer l’impact de l’épidémie, mais certains estiment que les subsides ne sont pas déployés assez rapidement pour permettre d’améliorer réellement la situation de nombreux Thaïlandais. L’année dernière, une femme avait avalé de la mort au rat devant le ministère des Finances pour protester contre la lenteur de la réponse gouvernementale. Elle a survécu et on lui a promis son versement quelques jours plus tard.

Prêteurs plutôt confiants

Outre la souffrance des familles empêtrées dans le piège du crédit, le fardeau croissant de la dette va certainement freiner la consommation privée, qui compte pour la moitié du PIB de la Thaïlande, et également nuire aux revenus des prêteurs eux-mêmes qui risquent de voir davantage de leurs débiteurs devenir insolvables.

L’octroi des prêts bancaires a ralenti l’année dernière avec la crise sanitaire, même s’il affiche toujours une croissance.

Les prêts à la consommation ont en effet augmenté de 4,6% en 2020, contre +7,5% en 2019, selon la banque centrale.

Néanmoins, les prêteurs comme Muangthai Capital restent optimistes, et visent une croissance annuelle des prêts de 20 à 25% au cours des quatre prochaines années.

« Le secteur a encore une grande marge de progression », affirme le directeur général adjoint Parithad Petampai, notant que les prêts de la société ont été multipliés par 10 par rapport à 2014, atteignant 70 milliards de bahts l’année dernière.

Pendant des années, la facilité de crédit pour les consommateurs et les entreprises a suscité de nombreux avertissements sur les dangers de l’augmentation de l’endettement des ménages en Thaïlande, et aujourd’hui la crise du Covid-19 pousse des millions de personnes au chômage.

Environ 4,7 millions de travailleurs risquent d’être affectés par la crise, avait annoncé la banque centrale en janvier.

Même une fois que l’économie se sera rétablie et que davantage d’emplois seront disponibles, le surendettement mettra beaucoup de temps à se résorber.

« Nous gagnerons peut-être davantage, mais vu que cela ira au service de la dette, il ne restera plus grand-chose à dépenser », estime Aree Onkloi, 22 ans, ouvrière de la province de Phitsanulok dont la famille doit près d’un million de bahts.

« Nous devrons continuer à emprunter et n’en sortirons jamais ».

Lepetitjournal.com avec Reuters – 7 avril 2021

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