Infos Cambodge

Quand les femmes cambodgiennes s’opposent au pouvoir de l’argent

Des affaires de discrimination, de harcèlement sexuel ou de violences faites aux femmes cambodgiennes ont régulièrement explosé sur les réseaux sociaux ces derniers mois. Bien souvent, elles concernent des personnes qui détiennent le titre honorifique d’« okhna » accordé uniquement aux personnes influentes du Cambodge.

La dernière affaire qui mobilise les internautes commence avec l’arrestation le 8 mai dernier d’une jeune présentatrice de télévision, Mean Pich Rita aussi connue sous le nom de Yubi. Elle est accusée d’avoir poignardé et volé le téléphone de l’okhna Heng Sier quatre jours plus tôt.

Ce titre d’okhna n’est pas anodin, car au Cambodge il est attribué à des personnes influentes, souvent de riches hommes d’affaire qui ont fait preuve de générosité avec l’État. Lors de l’interrogatoire, la jeune femme conteste les faits et accuse l’okhna de 60 ans de tentative de viol. Elle précise avoir eu trop honte pour se confier ou porter plainte jusque-là. L’affaire gagne en ampleur quand elle atteint les réseaux sociaux où beaucoup ne s’expliquent pas que la jeune femme de 20 ans soit en détention provisoire tandis que l’okhna reste libre.

Les commentaires déferlent sur Facebook, Instagram ou Twitter où les hashtags #JusticeForYubi #JusticeForWomen #StopViolenceAgainstWomen vont dominer les tendances en ligne. Peu après, Yubi est relâchée. Les enquêtes concernant les différentes plaintes suivent dorénavant leur cours.

Un débat qui émerge 

En mars, il y a eu par exemple le cas de cette policière réprimandée par ses supérieurs. Son tort : avoir posté sur Facebook une photo d’elle en train d’allaiter son bébé en uniforme. De nombreux internautes vont au contraire manifester leur soutien à cette femme qui affiche avec fierté son rôle de mère et d’agent de police. L’affaire remonte jusqu’aux autorités et retournement de situation : c’est elle qui reçoit finalement des excuses.

Quelques jours plus tard, une autre affaire émerge toujours sur les réseaux. Elle concerne cette fois Duong Chhai, un autre okhna, dont l’ex-femme publie des images de vidéosurveillance montrant l’homme en train de la menacer et de la frapper. Des images qui ne cadrent pas avec l’image de famille parfaite véhiculée par l’okhna suivi par deux millions de personnes sur Facebook. Face au scandale, il a perdu son titre prestigieux, mais semble pour l’instant échapper à la justice.

Concernant l’affaire qui oppose Mean Pich Rita et Heng Sier, des éléments qui mettent à mal les témoignages des deux accusés continuent de circuler. Mais quel que soit le résultat des procédures, l’affaire laisse transparaître une volonté de voir une justice plus détachée des questions de réputation, de fortune, de pouvoir… et de genre.

« Me Too » cambodgien 

Les discours encourageant les femmes et les victimes à s’exprimer sur ces questions sont effectivement de plus en plus visibles et assumés. Mais dans les affaires de violences, il n’est pas rare de trouver des commentaires justifiant des agressions par le comportement ou l’apparence des victimes.

Il faut rappeler qu’au Cambodge de nombreux tabous demeurent sur les relations hommes-femmes. Le poids des mœurs traditionnelles reste également notable dans un pays où un projet de loi voulant interdire le port de vêtements courts aux femmes a encore été évoqué l’an dernier.

Néanmoins, une partie de la population, en particulier jeune et urbaine, revendique aujourd’hui l’indépendance et les droits de la femme. Quelle que soit l’issue de l’affaire impliquant Mean Pich Rita et l’okhna Heng Sier, elle a donc au moins le mérite d’ouvrir la discussion et d’attirer l’attention du public sur ces questions.

Chak Sopheap, directrice du CCHR, une association de défense des droits humains a cosigné un communiqué à la suite de ces affaires

Our joint open letter requesting the authorities for legal action on cases of domestic violence, sexual harassment, and sexual violence against women. pic.twitter.com/3EimhTuquD— Sopheap Chak (@sopheapfocus) May 13, 2021

Par Juliette Buchez – Radio France Internationale – 18 mai 2021

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