En Birmanie, l’armée se déploie dans les régions ethniques
Face à la résistance farouche de la population civile dans les États ethniques des Chins et Kachins, les militaires birmans y ont déployé plusieurs bataillons pour des « opérations de nettoyage ».
«Des convois de centaines de camions militaires ne cessent de traverser la ville pour rejoindre les régions des Chins et des Kachins dans le nord du pays », témoigne un journaliste birman qui tient à rester anonyme, basé à Mandalay, seconde ville du pays au centre de la Birmanie. «Selon mes informations, les opérations de guérilla de la population contre les casernes militaires de ces régions ont fait des dizaines de morts dans l’armée. »
Face à cette rébellion populaire qui s’organise depuis des mois dans tout le pays, neuf mois après le coup d’État de février, les généraux ont lancé ces derniers jours une vaste offensive dans ces régions ethniques, qui ont pris les armes, pour des « opérations de nettoyage ».
La résistance civile surprend même les militaires
Selon un autre correspondant du magazine d’opposition Irrawaddy envoyé dans ces zones, «les Forces de défense civile (FDC) ont mené de nombreuses attaques contre des casernes près de Hakha (capitale de l’État Chin, NDLR), tuant des dizaines de soldats ».
Plusieurs vidéos ont montré des camions militaires sautant sur des mines posées par des unités de défense civile. Plusieurs témoins interrogés par ce journaliste ont confirmé que des milliers de villageois avaient fui dans les montagnes loin des combats.
Face à la détérioration de la situation dans ces zones ethniques, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU à Genève s’est dit « inquiet de ces développements, au regard de l’intensification des attaques des militaires que nous avons pu relever dans ces régions, y compris des assassinats, des raids sur des villages et l’incendie de maisons », dont le but est d’éradiquer la résistance armée ou punir les villages soupçonnés de la soutenir.
« Forces de défense populaire »
Une porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani, a indiqué que l’armée procédait à des bombardements aériens et des barrages d’artillerie. Elle a aussi fait état «d’arrestations massives, ainsi que l’usage de la torture ou d’exécutions sommaires ».
La Birmanie est en proie au chaos depuis que l’armée a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi en février dernier, provoquant des manifestations massives en faveur de la démocratie et une résistance qui surprend même la junte au pouvoir.
Depuis plusieurs mois, après des manifestations quasi quotidiennes dans les grandes villes du pays, des opposants à la junte ont formé des « forces de défense populaire » dans les États ethniques de tout le pays pour résister. Elles ont notamment détruit plusieurs antennes-relais appartenant à la société militaire Mytel dans l’État Chin, précisément là où plusieurs bataillons ont été envoyés pour mater la rébellion.
Par Dorian Malovic – La Croix – 13 octobre 2021
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