Point de vue. La Birmanie, théâtre de violences croissantes.
« Nous lançons une guerre défensive du peuple contre la junte ! » Ces mots de Dawa Lashi, le président du National Unity Governement (NUG), ont sonné comme un glas en Birmanie. Le point de vue de Mathilde Gillier, chargée de pays pour la Birmanie chez Enfants du Mékong.
« Nous lançons une guerre défensive du peuple contre la junte ! » Ces mots de Dawa Lashi, le président du National Unity Governement (NUG), ont sonné comme un glas en Birmanie. Ils annonçaient en septembre dernier la fin de la résistance pacifiste contre le putsch de l’armée Birmane. Avec ces mots, le gouvernement dissident formé par les ex-députés du parti d’Aung San Suu Kyi (la LND) a appelé tous les Birmans, civils comme soldats, à résister par les armes contre la junte militaire. Cette tentative du NUG de rassembler d’un même bord tous les groupes armés et ethniques qui combattent depuis plusieurs mois l’armée birmane (la Tatmadaw) était attendue par de nombreux citoyens birmans. Dans l’État Shan, au cœur de la répression militaire, une responsable de programme témoignait : « C’est le jour J. Dans plusieurs lieux du pays, la guerre civile a commencé ce matin ».
Le théâtre de violences de plus en plus nombreuses
Pourtant dans les faits, rien ne semble vraiment avoir changé dans le pays déjà exsangue. La Birmanie est le théâtre de violences de plus en plus nombreuses mais trop isolées pour parler réellement de guerre civile à ce jour, disent les observateurs internationaux. Plus d’un millier de morts sont à déplorer aujourd’hui. Des civils et des militaires sont tués chaque jour dans des affrontements entre l’armée et les milices (souvent ethniques). Les populations ont peur et fuient dans les campagnes. « Nous pouvons entendre les tirs et les roquettes toutes les nuits. Les combats continuent et la plupart des gens doivent quitter leur maison et fuir dans des lieux plus sûrs » témoigne un habitant de Loikaw, dans l’État Kayah, à l’Est du pays. Les militaires, lors de ces attaques, pillent les ressources et menacent de brûler les maisons. Les conséquences sont dramatiques pour les populations. Le prix des matières premières a considérablement augmenté. Une habitante de Rangoun constatait que « le kilo de pomme de terre est passé de 800 kyats à 1 700 kyats » soit de 50 centimes à 1,10 €. « Si cela continue, les gens connaîtront la famine d’ici la fin de l’année 2021 » s’inquiète le père Philip Aung Nge. Au risque de famine et aux conséquences des affrontements armés, il faut ajouter depuis juillet 2021 la crise sanitaire. La Birmanie fait face à une troisième vague de COVID-19 alors que beaucoup de soignants ont fui par peur des répressions après leur participation au mouvement de désobéissance civil des premiers mois.
Alors comment évoluera la situation dans les prochains mois ? En Asie, pays de mousson, le climat rythme la vie et avec la fin de la saison des pluies en novembre, une évolution rapide est à craindre, malheureusement pour le pire. D’après plusieurs contacts locaux, le NUG aurait demandé à la population de rassembler de la nourriture pour deux mois et de s’installer dans des lieux sûrs. De telles dispositions laissent peu de doute sur la guerre civile à venir. Le rapport de force se met en place jour après jour qui opposera la population déterminée à la seconde armée la plus puissante d’Asie du Sud-Est. Un rapport déséquilibré dont les plus pauvres souffrent déjà. Ils étaient déjà plus de 200 000 nouveaux déplacés internes, sorte de réfugiés de l’intérieur du pays, à se regrouper dans des camps de fortune à l’abri de la jungle selon l’UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). Avant même que la guerre ne commence, la situation de ces familles est déjà désespérée : « Si la situation n’évolue pas, nous ne mourrons pas par les armes mais par la faim. S’il vous plaît, aidez-les réfugiés, s’il vous plaît » supplie l’une de nos bénévoles sur place. Nous n’avons pas attendu que la guerre soit officiellement déclarée pour répondre à cet appel ! »
Ouest France – 20 octobre 2021
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