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Massacres en Birmanie : «C’est donc une guerre contre tout le peuple»

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Le 24 décembre dernier en Birmanie, un nouveau massacre choquait la communauté internationale. Trente-cinq personnes – dont des femmes et des enfants – étaient retrouvées tuées et brûlées dans des véhicules calcinés. Pour Tom Andrews, le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme en Birmanie, l’armée met en œuvre une stratégie organisée qui vise à mater la rébellion.

Tom Andrews : Cela fait partie d’une stratégie de la terre brûlée. La junte a attaqué des innocents. Nous les avons vus avoir recours à des tirs d’artillerie contre des villages entiers. Nous avons vu des avions de chasse viser des maisons, des hélicoptères massacrer des villageois en tirant sans discrimination.

Tout individu suspecté de collaborer avec l’opposition à la junte militaire est considéré comme l’ennemi et est attaqué. Le terrifiant message envoyé à la population birmane est que personne ne sera épargné s’il s’oppose à la junte militaire.

RFI : Comment cette stratégie se traduit-elle au jour le jour sur le terrain ?

Certaines zones considérées comme acquises à l’opposition sont particulièrement visées par la junte. Il s’agit d’une des armées les mieux équipées de la région, si ce n’est du monde. Ce sont des centaines de milliers de soldats munis d’armes très sophistiquées, qu’ils utilisent contre la population. Généralement, à chaque petite attaque contre la junte, un convoi touché par une mine par exemple, il y a une réponse directe avec des attaques contre des villages entiers et des personnes innocentes.

Le message, c’est que si on pense que vous faites partie de l’opposition, vous ne serez pas épargné. Ce qui est très inquiétant, c’est que ce sont des millions de Birmans qui sont opposés à la junte militaire. C’est donc une guerre contre tout le peuple birman ! On pourrait espérer qu’une armée soit là pour défendre les habitants d’un pays, mais dans ce cas précis, l’armée birmane est là pour attaquer la population birmane.

Neuf mois après sa prise de pouvoir, la violence de ces attaques a-t-elle permis à la junte de reprendre le contrôle du pays ?

Au départ, la junte pensait arriver à opérer un retour rapide à la période sombre où les militaires avaient le contrôle total sur le pays. Mais ils n’ont pas pris en compte le fait que la population birmane a goûté à la liberté. Ils ont pu se déplacer, communiquer, avoir certains droits. Les jeunes ont eu accès à Internet par exemple, ils ont échangé avec le reste du monde et sont fortement opposés à la junte.

Leurs parents et grands-parents, qui eux ont connu la vie sous ce régime brutal et autoritaire, refusent que leurs enfants et petits-enfants souffrent autant qu’eux. L’opposition est très profonde et vaste. Je pense malheureusement que plus les options de la junte se réduisent, plus ils se rendent compte que leurs attaques ne suffisent pas à contrer l’opposition, plus ils deviendront violents.

Les efforts diplomatiques menés par les Nations unies et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est n’ont pas été très concluants jusqu’à présent. D’après vous, que faut-il faire pour aller vers un réel changement ?

L’armée a besoin de trois choses : de l’argent, des armes et d’une légitimité à l’international. La communauté internationale n’a pas réussi à les priver de ces trois choses. La junte continue de générer des revenus. Il faut absolument que ces sources de revenus soient coupées.

En ce qui concerne l’accès à des armes sophistiquées, l’Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution en appelant les nations du monde entier à arrêter la vente d’armes à la Birmanie. Dans les faits, ça n’a pas été respecté. Le Conseil de sécurité n’est pas arrivé à voter une résolution suffisamment solide pour établir un boycott de ces ventes d’armes. Le recours à la Cour pénale internationale pour juger les responsables de cette situation n’a pas été envisagé.

Enfin, au sujet de la légitimité, nous savons qu’ils la recherchent. Nous avons vu l’impact que pouvait avoir le refus de cette légitimité. Quand les pays de la région ont refusé de convier Min Aung Hlaing, le commandant en chef de l’armée birmane, à une rencontre, il était très énervé et 48 heures plus tard, des milliers de prisonniers politiques étaient libérés.

Nous savons que ces outils entre les mains de la communauté internationale sont importants. Nous savons qu’ils peuvent être efficaces. Mais je pense que nous devons revoir le degré avec lequel ils ont été utilisés et je pense que nous devons utiliser ces trois outils de manière beaucoup plus effective.

Des villageois ont essayé de fuir les combats, ils se sont donc réunis dans plusieurs véhicules et ces véhicules ont tenté de fuir la zone de combat. Mais ces véhicules ont été interceptés par les militaires birmans, qui ont mis le feu aux véhicules, avec les villageois à bord, majoritairement des femmes et des enfants qui sont morts brûlés vifs. Et il y a eu d’autres morts en plus de cela…

Par Clea Broadhurst – Radio France Internationale – 27 décembre 2021

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