Des milliers de soldats et des armes lourdes : doit-on s’attendre au pire en Birmanie ?
Le rapporteur spécial de l’ONU sur la Birmanie, Tom Andrews, déclare que le monde devrait être préparé à « encore plus de crimes d’atrocités de masse ».
La junte birmane fourbit ses armes. Le rapporteur de l’ONU pour les droits de l’homme en Birmanie a accusé vendredi l’armée de « masser des dizaines de milliers de troupes et des armes lourdes » dans le nord du pays et dit redouter « des atrocités ». « Nous devrions tous être préparés, comme le sont les gens dans cette partie de la Birmanie, à des atrocités de masse encore plus nombreuses », a déclaré Tom Andrews devant l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Plus de huit mois après le coup militaire du 1er février, la Tatmadaw, l’armée birmane continue de se battre contre les groupuscules d’opposition très actifs sur le terrain. Afin d’asseoir davantage son pouvoir, la junte birmane s’apprête à lancer une offensive.
Preuve que les tensions s’accentuent, le site d’opposition à la junte, Irrawaddy, rapporte que le vice-général Soe Win, a ordonné le 13 octobre à toutes les forces d’anéantir les Forces de défense du peuple (PDF) insurgées, des groupes de résistance de style guérilla déployés localement à travers le pays dans le but commun de renverser le régime. Le vice-général Soe Win a aussi émis un ordre interdisant aux villageois d’avoir tout contact avec les troupes du PDF au risque « de leur infliger de sévères punitions s’ils n’obéissent pas ». Selon Tom Andrews, un très grand nombre de soldats se sont déplacés dans les régions reculées du nord et du nord-ouest de la Birmanie. Sur Twitter, la Chindwin News Agency, affiliée à la résistance des Chins – une minorité délaissée par l’Etat central – montre des photos d’une file interminable de camions sur la route de montagne menant à une ville.
Si la junte birmane montre les muscles, il ne faut pas oublier qu’elle a essuyé des pertes considérables face aux forces des FDP, pourtant amateurs, largement équipées d’armes improvisées dans les régions de Sagaing et de Magwe, ainsi que dans les États de Chin et de Kayah. Le ministère de la Défense du NUG – le gouvernement d’unité nationale à la tête de la résistance – a déclaré qu’il y avait eu 65 coups de feu entre les PDF et les forces du régime en septembre. Au total, le ministère a affirmé que 768 soldats du régime avaient été tués tandis que 164 civils, dont des membres des PDF, ont perdu la vie, rapporte le média Irrawady. Les analystes ont déclaré que le régime est confronté à un nouveau type de conflit armé que la junte ‘est pas prête à contrer, et qu’elle est incapable de contenir l’insurrection et la résistance croissantes.
« Préoccupez-vous de la catastrophe en cours »
Afin de reprendre l’avantage, la Tatmadaw s’appuie sur de vieilles méthodes. Parmi elles, la fameuse stratégie des « quatre coupes » utilisée dans les États ethniques dans le passé. La technique consiste à restreindre l’accès à la nourriture, aux fonds, au renseignement et aux recrues. « Ces tactiques sont une sinistre réminiscence de celles employées par les forces armées avant leurs attaques génocidaires contre les Rohingyas dans l’Etat de Rakhine en 2016 et 2017 », a ajouté Tom Andrews. L’armée birmane incendie des villages, pille des propriétés et procède à des arrestations massives, en ayant recours à la torture et l’exécution de prisonniers. « Je me présente devant cette vénérable institution aujourd’hui pour vous transmettre une simple demande de la population de la Birmanie : préoccupez-vous de la catastrophe en cours et traduisez cette préoccupation en actes significatifs », a plaidé le diplomate américain.
Ce jeudi, l’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, la Suissesse Christine Schraner Burgener, a déploré une détérioration continue de la situation dans ce pays et critiqué le refus de la junte d’entamer un dialogue international, à quelques jours de la fin de sa mission onusienne. « Le conflit s’intensifie dans de nombreuses régions du pays et la répression de l’armée a fait plus de 1 180 morts », a-t-elle précisé. Christine Schraner Burgener a aussi rapporté qu’environ 4 000 militaires avaient fait défection depuis le coup d’Etat, tout en précisant ne pas être en mesure de vérifier ce chiffre. Peu après son putsch, la junte birmane avait promis d’organiser des élections et de lever l’état d’urgence en 2023.
Cette semaine, l’armée a annoncé la libération à l’occasion de la fête bouddhiste de Thadingyut de 5 636 personnes arrêtées lors des manifestations massives qui ont secoué le pays après le putsch. Des centaines de détenus politiques birmans, amnistiés, ont de fait retrouvé leurs familles en liesse devant les prisons, certains promettant déjà de reprendre le combat contre le régime militaire. Cette décision est intervenue quelques jours seulement après que l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) a infligé un camouflet majeur au régime militaire, excluant le chef de la junte d’un prochain sommet du bloc des 10 pays. « L’annonce de l’Asean selon laquelle la junte ne sera pas la bienvenue lors de son prochain sommet frappe au coeur », a déclaré Tom Andrews.
Lexpress.fr avec Agence France Presse – 24 octobre 2021
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