En Birmanie, Aung San Suu Kyi risque de passer de longues années en prison
Arrêtée et en résidence surveillée depuis le coup d’État militaire du 1er février, l’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi, 76 ans, Nobel de la paix 1991, a été officiellement inculpée mardi 16 novembre pour « fraude électorale ». Elle est déjà poursuivie pour sédition et corruption.
La junte militaire birmane resserre encore son étau judiciaire sur l’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi, qui se voit maintenant inculpée pour « fraude électorale » lors des législatives de novembre 2020 remportées haut la main par son parti.
La Prix Nobel de la paix 1991, âgée de 76 ans, déjà jugée « pour sédition » ou encore « corruption », va maintenant être poursuivie pour « fraude électorale », a rapporté mardi 16 novembre le journal Global New Light of Myanmar, contrôlé par le régime, sans donner plus de détails. Quinze autres responsables, dont l’ex-président Win Myint, également arrêtés lors du coup d’État du 1er février dernier, vont être poursuivis pour la même infraction.
La junte veut justifier son coup d’État en dénonçant des fraudes aux élections
Au lendemain de ce coup d’État surprise, les généraux ont expliqué pour se justifier que les élections législatives de novembre 2020 avaient été entachées de nombreuses irrégularités. Ils ont par la suite assuré qu’ils avaient découvert « plus de 11 millions d’erreurs » qui ont favorisé la victoire de la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi.
Mais personne jusqu’ici n’avait été inculpé pour ces « fraudes ». Le chef de la junte, le général Min Aung Hlaing, a assuré que de nouvelles élections seraient organisées d’ici à… août 2023. À l’époque, de nombreux observateurs internationaux et des diplomates étrangers sur place avaient qualifié ce scrutin de « globalement libre et équitable ».
« La junte veut annihiler Aung San Suu Kyi qui reste très populaire »
« La junte utilise des allégations fallacieuses de fraude électorale pour justifier son coup d’État, a réagi Richard Horsey de l’International Crisis Group. Aung San Suu Kyi et son parti bénéficiaient d’un soutien écrasant des électeurs, les verdicts de culpabilité ne convaincront personne. » En dépit de son étroite collaboration avec les militaires ayant lancé la répression sanglante contre les Rohingyas en 2017 (un million de réfugiés au Bangladesh), qui a terni son image internationale, Aung San Suu Kyi a été balayée par ces mêmes militaires qui voyaient progressivement leur pouvoir se diluer dans le processus démocratique.
« Les militaires veulent totalement annihiler la leader de la Ligue nationale pour la démocratie » (NLD), témoigne un diplomate occidental basé à Rangoun. « En Birmanie, Aung San Suu Kyi reste très très populaire et les généraux redoutent sa capacité à mobiliser l’opinion publique. » Elle est jugée depuis juin pour une multitude d’infractions plus farfelues les unes que les autres : importation illégale de talkies-walkies, sédition, corruption, non-respect des règles sanitaires…
Elle est également poursuivie pour « incitation aux troubles publics », une infraction passible de trois ans de prison. Un premier verdict devrait être prononcé le 30 novembre dans ce volet de l’affaire. Mais le 14 décembre, le tribunal rendre sa décision sur un autre chef d’accusation, la violation des restrictions contre le coronavirus.
La répression militaire s’intensifie
Si les militaires restent encore des années au pouvoir, ce qui semble être le scénario le plus probable aujourd’hui, Aung San Suu Kyi risque de passer le reste de ses jours en prison. Fin octobre, Win Htein, un de ses proches collaborateurs, âgé de 80 ans, a été condamné à vingt ans de détention pour « trahison ». Mais au-delà de l’étau judiciaire, les militaires mènent toujours une répression sanglante dans tout le pays avec plus de 1 250 civils tués et plus de 7 300 arrestations depuis février.
La presse est muselée. Plus de 100 journalistes ont été arrêtés ces derniers mois, selon Reporting Asean, une association de défense des droits de la presse. Au total, 31 d’entre eux sont toujours en détention. À ce jour, toutes les pressions diplomatiques internationales (États-Unis, Union européenne ou Association des nations d’Asie du Sud-Est) n’ont eu aucun effet sur une junte qui a décidé une nouvelle fois d’isoler la Birmanie du monde.
Par Dorian Malovic – La Croix – 16 novembre 2021
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