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Vietnam : l’île de Phu Quoc, « réserve mondiale de la biosphère », livrée au bétonnage des promoteurs

Des milliers de chambres d’hôtel, un téléphérique au Guinness des records, une Venise en miniature: l’île vietnamienne de Phu Quoc, qui a rouvert samedi au tourisme international, a profité de la pandémie pour accélérer son développement, un bétonnage à haut risque pour le paradis tropical.

Quelque 200 Sud-Coréens ont les été premiers visiteurs étrangers depuis 20 mois à débarquer sur l’île, nichée à quelques encablures du Cambodge, dans les eaux cristallines du golfe de Thaïlande.

« C’est la première fois que je quitte la Corée du Sud depuis le début de la crise sanitaire (…) Je me sens en sécurité. On est tous vaccinés« , commente à l’AFP Tae Hyeong Lee.

Le groupe logera dans un resort de 12.000 chambres, pourra se promener en gondole, s’étourdir sur les manèges du parc d’attractions, taper la balle sur un 18 trous immaculé, nourrir les girafes au zoo safari et jouer à la roulette dans un casino digne de Las Vegas.

« Je suis tellement excitée à l’idée d’accueillir nos premiers visiteurs« , s’enthousiasme Ngo Thi Bich Thuong, employée du gigantesque complexe, baptisé Phu Quoc United Center.

Sur plus de 1000 hectares et des kilomètres de littoral au nord-ouest de l’île, il a ouvert ses portes il y a six mois, en pleine pandémie.

Le puissant conglomérat vietnamien VinGroup (BTP, tourisme, automobile, centres commerciaux, éducation…) a investi 2,8 milliards de dollars dans le projet.

Les ambitions du groupe du milliardaire Phạm Nhật Vượng sont grandes: faire de Phu Quoc « une nouvelle destination internationale sur la carte touristique mondiale« .

Le bétonnage se propage ailleurs sur l’île.

« En tout, 40.000 chambres d’hôtel ont été construites, sont prévues ou en cours de construction« , relève Ken Atkinson, vice-président du Conseil consultatif du tourisme vietnamien. « C’est plus de clés d’hôtel qu’à Sydney« .

Au sud, un autre promoteur, Sun Group, a investi dans des parcs de loisirs et un téléphérique de près de 8 kilomètres, l’un des plus longs du monde, enregistré au Guinness des records.

« L’île d’émeraude » est longtemps restée à l’écart des circuits touristiques, se consacrant à la pêche, la culture du poivre vert et l’élevage de perles.

La nature y est si florissante qu’en 2006 elle est classée « réserve mondiale de la biosphère » par l’Unesco.

Mais les plages de sable blanc ne tardent pas à attirer les investisseurs qui rêvent d’en faire un nouveau Phuket, l’île thaïlandaise qui a accueilli dix millions de visiteurs internationaux en 2019.

En 2012, un aéroport international est ouvert à Phu Quoc. Sept ans plus tard, cinq millions de touristes, dont plus de 500.000 étrangers – des Chinois, Russes, Japonais, Sud-Coréens – déferlent sur les plages.

Déluge de plastique

Même si une partie de l’île reste classée zone protégée, ce développement éclair inquiète.

« Phuket a mis des années à grandir, mais le Vietnam a tendance à vouloir tout faire d’un seul coup« , déplore Ken Atkinson. « Je ne pense pas que l’on accorde suffisamment d’attention à ce qui serait dans l’intérêt à long terme de Phu Quoc« .

Les eaux cristallines regorgent de récifs coralliens et les plages étaient autrefois des lieux de ponte plébiscités par les tortues vertes et les tortues imbriquées, des espèces menacées.

Aucune nidification n’a eu lieu ces dernières années, relevait l’UNESCO en 2018.

Et les déchets plastiques engendrés par le tourisme ont déjà eu un effet désastreux sur l’écosystème.

Avant la pandémie, environ 160 tonnes d’ordures étaient générées chaque jour, d’après le Fonds mondial pour la nature (WWF).

L’organisation dénonçait « un déluge presque inimaginable de plastique » qui menaçait la vie marine. Elle mettait en garde contre une gestion des déchets « inadaptée » face à l’explosion du tourisme.

« De plus en plus de visiteurs sont conscients de l’environnement, ils ne voudront pas se rendre sur des plages jonchées de détritus ou se baigner dans une mer polluée par les eaux usées« , prévient Ken Atkinson.

Mais les habitants, coupés de la manne financière des touristes étrangers depuis des mois, ont hâte de voir les affaires repartir.

« Si Phu Quoc ne se développait pas, ce ne serait qu’une perle non découverte« , estime Chu Dinh Duc qui a monté une petite structure hôtelière à l’écart des gigantesques resorts.

Lai Chi Phuc, guide touristique, attend aussi avec impatience le retour des visiteurs.

« Tout le monde voulait s’échapper de Phu Quoc quand j’étais enfant« , se souvient le jeune homme de 33 ans, parti longtemps travailler sur le continent. « Grâce aux touristes, j’ai pu enfin revenir dans mon île« .

Agence France Presse – 20 novembre 2021

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