Dans la jungle de Birmanie, des soins Covid en secret de la junte
Dans la jungle birmane, un groupe d’infirmières a monté un hôpital de fortune pour prendre en charge des malades du Covid, des réfugiés ou des jeunes volontaires ayant pris le maquis après le coup d’Etat.
Depuis le 1er février, les personnels de santé ont été aux avant-garde de la dissidence contre la junte militaire, beaucoup ayant suivi un mouvement de désobéissance civile et déserté leurs postes.
Ree Moe, 27 ans, a quitté son emploi dans un hôpital public peu après le coup d’Etat et, en juin, a commencé à faire du bénévolat dans l’Etat de Kayah (est), où les militaires et les milices anti-junte s’affrontent régulièrement.
« Quand les combats commencent, nous devons courir et nous cacher dans la jungle », raconte-t-elle à l’AFP dans une clinique installée dans une école abandonnées en raison des combats près de la ville de Demoso.
« On m’a dit qu’il n’y avait pas beaucoup de médecins et de travailleurs médicaux dans cette région, et que les villageois en demandaient » raconte-t-elle. « J’ai donc pris la décision de venir, et j’ai essayé de mettre la main sur du matériel médical ».
Après une vague importante en juin-juillet, la junte affirme que les nouveaux cas quotidiens de Covid se comptent sur les doigts de la main, et le variant Omicron n’est pas encore apparue dans le pays d’Asie du Sud-Est.
Mais dans le seul État de Kayah, environ 85.000 personnes ont fui leur domicile en raison des violences, selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés, et beaucoup s’entassent dans des camps où les infections peuvent se propager rapidement.
Dans un village, l’équipe de Ree Moe effectue des tests par écouvillonnage, séparée des patients par un simple plastique tendu sur un cadre en bambou.
Les cas positifs reçoivent du paracétamol pour la fièvre et les douleurs et des compléments alimentaires comme de la vitamine D.
Entassés dans des camps
C’est à peu près tout ce qu’elles peuvent se procurer. Les bouteilles d’oxygène se font rares et sont utilisées avec parcimonie.
Pour les remplir, il faut se rendre à Loikaw, la capitale de l’État, et passer des postes de contrôle de la junte sur la route.
Après chaque patient, Ree Moe retire sa combinaison EPI et la désinfecte, ainsi que son masque, pour être prête pour le suivant.
Seul dans une salle de classe vide, un combattant qui a contracté le virus passe sa quarantaine en grattant une guitare.
Selon un récent rapport de Human Rights Watch, les militaires ont bloqué l’acheminement de l’aide humanitaire et des fournitures médicales dans les régions où la résistance au régime militaire est forte.
« Les militaires birmans contrôlent tout le monde à leurs portes et arrêtent les personnes qu’ils trouvent transportant des médicaments », déclare Sar Say Hae Sein, 23 ans, une autre infirmière travaillant dans la jungle.
A chaque déplacement, « c’est comme risquer sa vie ».
Dans les six mois qui ont suivi le coup d’Etat, 190 personnels de santé ont été arrêtés et 25 tués, selon un rapport d’Insecurity Insight, de Physicians for Human Rights et de l’université Johns Hopkins.
Mais Ree Moe dit qu’elle va continuer. « Le soutien de mes parents me permet de rester forte », dit-elle. « Mon père a envoyé autant de médicaments qu’il le pouvait ».
Agence France Presse – 27 décembre 2021
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