Le royaume est aux mains d’une dynastie, Hun Sen vient de le confirmer
Chef de l’opposition cambodgienne en exil, Sam Rainsy ne pouvait pas laisser passer ce moment de l’histoire cambodgienne sans prendre position. Pour lui, tout est désormais clair : la famille du premier ministre Hun Sen ne lâchera pas le pouvoir au Cambodge. A moins que…
Une prise de position de Sam Rainsy
La déclaration publique que le premier ministre cambodgien Hun Sen vient de faire mardi 28 décembre confirme qu’il a bien l’intention de fonder une dynastie politique. Pour la première fois le chef du gouvernement a laissé entendre qu’après son fils Hun Manet qu’il a déjà désigné pour lui succéder à la tête du gouvernement juste après les élections législatives de 2023, ce sera un de ses petits-fils qui prendra la relève et continuera à diriger le Cambodge. On a l’impression de revenir au moyen-âge avec la transmission héréditaire directe d’un pouvoir royal absolu.
Pas de limitation du nombre de mandats pour un premier ministre
Par ailleurs, Hun Sen déclare qu’il n’y aura pas de limitation du nombre de mandats pour un premier ministre, lui-même ayant pu se maintenir à son poste pendant bientôt 37 ans. Les futurs premiers ministres qui seront issus de sa lignée directe pourront donc, comme lui, rester au pouvoir aussi longtemps qu’ils le voudront. Les intentions de Hun Sen ne laissent pas beaucoup de perspectives pour un changement démocratique que la jeunesse cambodgienne appelle pourtant de ses vœux (70% de la population cambodgienne a moins de 30 ans et n’a vécu que sous le règne de Hun Sen).
On voit plus clairement que jamais que, pour un dictateur vieillissant comme Hun Sen qui a les mains tachées de sang à force de répressions violentes, la principale préoccupation ou hantise est l’assurance de continuer à bénéficier de l’immunité que procure le pouvoir absolu exercé directement soi-même ou par ses enfants et petits-enfants.
Hun Sen annonce aussi qu’il va tailler des lois sur mesure afin de satisfaire des besoins personnels et familiaux. Après avoir accepté d’une façon surprenante (mais une fois n’est pas coutume) une proposition que j’ai faite depuis plusieurs années de limiter à 70 ans l’âge pour l’accomplissement de toute fonction publique, il s’est très vite ravisé en suggérant que l’on puisse exceptionnellement prolonger de quelques années l’âge de la retraite politique. Il a eu officiellement 70 ans cette année et, à la prochaine élection législative de 2023, il aura 72 ans. “Laissez-moi d’abord passer pour que je puisse d’abord installer sans trop de risque mon fils dans mon fauteuil actuel”.
Dans sa déclaration Hun Sen estime que le principal risque dans le transfert de pouvoir vient de moi quand il précise: “L’âge de la retraite du premier ministre devrait être de 70 à 72 ans, mais Sam Rainsy a déjà 73 ans.”
Si Hun Sen se fait tailler des lois sur mesure, il m’en a souvent fait faire aussi en ma qualité de chef de l’opposition qu’il veut absolument écarter de la scène politique. Il s’est encore référé à moi dans sa déclaration d’aujourd’hui en avouant que la toute dernière loi qu’il a préconisée et qui interdit à tout détenteur d’une double nationalité (j’ai aussi la nationalité française) de briguer la position de premier ministre, était bien destinée contre moi.
En tout cas une chose est pratiquement sûre maintenant: Hun Sen ne sera plus ce premier ministre violent, autocratique et “indéboulonnable” à partir du deuxième semestre 2023. Ce sera déjà un premier changement susceptible d’en amener d’autres qui pourraient être positifs rien n’est plus insupportable pour le peuple cambodgien que la situation figée actuelle.
Par Sam Rainsy – Gavroche-thailande.com – 30 décembre 2022
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