En Thaïlande, le crime de “lèse-majesté” menace les opposants
Restaurée en novembre 2020, une loi menace de quinze ans d’emprisonnement toute diffamation du roi. Des opposants au gouvernement en font les frais.
L’article 112 du code pénal thaïlandais, qui protège la monarchie de toute diffamation, a le vent en poupe. Pour un simple tweet, le professeur Piyabutr Saengkanokkul, ancien leader du parti d’opposition Parti du nouvel avenir, né en 2018 et dissous en 2020, vient ainsi d’être entendu par un commissariat de police de Bangkok pour répondre des accusations de lèse-majesté portées contre lui.
“Piyabutr, universitaire, actuellement secrétaire général du Mouvement progressif, un groupe politique réformiste, a été inculpé à la suite d’un tweet publié en octobre l’année dernière dans lequel il estimait que l’article 112 et certains passages de la Constitution du pays méritaient d’être améliorés afin d’empêcher l’abus du droit pour faire taire les points de vue divergents”, détaille le journal The Diplomat.
“Finalement, Piyabutr a été inculpé de crime de lèse-majesté pour avoir critiqué le crime de lèse-majesté.”
C’est le deuxième ancien dirigeant de ce mouvement à être inculpé dans le cadre de l’article 112 du code pénal. “Plus connu comme étant la loi de lèse-majesté, ce texte criminalise toute critique du roi ou de la famille royale et peut conduire à des condamnations allant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement”, explique The Diplomat.
Soupçons de favoritisme
Le magazine rappelle qu’en avril dernier une autre figure de l’opposition avait subi les conséquences de cette loi, cette fois-ci pour avoir critiqué la politique lutte contre le Covid-19 du gouvernement lors d’un live sur Facebook en janvier 2021, Thanathorn Juangroongruangkit avait fait planer un soupçon de favoritisme concernant l’attribution d’un marché de production de vaccins à Siam Bioscience, une société privée détenue par le roi Rama X. La société avait reçu 20 millions de dollars du gouvernement pour développer sa capacité de production et ainsi fabriquer à la chaîne, pour la population du Sud-Est asiatique, le vaccin britannique AstraZeneca. “Ce que j’ai dit était dans l’intérêt du public et pour protéger l’institution royale”, s’est défendu Thanathorn.
The Bangkok Post cite le député Rangsiman Rome : “La loi de lèse-majesté a servi de base pour accuser une longue liste d’individus parmi lesquels des influenceurs des réseaux sociaux.”
Des manifestations ont déjà eu lieu en 2021 pour demander l’abolition de cette loi, qui avait été restaurée en novembre 2020 devant l’ampleur d’une contestation étudiante pro-démocratie.
Courrier International – 22 juin 2022
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