Réhahn, l’homme caché derrière l’appareil photo : LE photographe français du Vietnam ?
Photographe de renommée, voyageur dans l’âme et père de deux enfants : qui se cache derrière ce célèbre artiste français installé à Hoi An au Vietnam ? Nous l’avons rencontré.
Quiconque s’aventure dans les rues d’Hoi An ne peut passer à côté du travail de Réhahn, cet incontournable photographe français ayant capturé et documenté les cinquante-quatre ethnies du Vietnam dans sa galerie d’art riche en couleurs – le Precious Heritage Museum.
Si Réhahn est avant tout connu pour de célèbres portraits tels que celui de Madame Xong – la modèle de son œuvre Sourire caché – ou pour son projet de dix ans autour des minorités ethniques vietnamiennes, l’homme derrière l’appareil photo n’en est pas moins captivant.
L’installation de Réhahn au Vietnam : l’accomplissement d’une quête
La carrière de Réhahn s’est grandement construite autour du projet « Precious Heritage Museum », réunissant dans une même galerie les photographies, costumes traditionnels et histoires des cinquante-quatre ethnies aujourd’hui répertoriées au Vietnam. Pourtant, ce n’est pas pour réaliser ce projet que Réhahn a décidé de s’établir à Hoi An.
Pour comprendre ce changement de vie radical, lorsqu’il a quitté son emploi d’imprimeur en Normandie pour s’adonner à sa passion pour la photographie et le voyage, il nous faut retourner quelques années en arrière.
En 2007, dans le cadre d’une mission humanitaire avec l’ONG française Les Enfants du Vietnam, Réhahn découvre pour la première fois ce pays dont il tombe immédiatement sous le charme. Durant les mois qui suivent, les séjours au Vietnam se succèdent, notamment à Hoi An où il finit par s’installer. Tel qu’il l’affirme lui-même, ce n’est donc pas la photographie qui l’a poussé à poser un pied à terre au Vietnam, mais bel et bien son amour pour le pays.
« On pense souvent que j’ai choisi le Vietnam pour faire de la photo, mais c’est faux. J’ai choisi le Vietnam pour y vivre et la photo est venue ensuite. »
Souhaitant quitter la France, le jeune normand avide de renouveau s’était inconsciemment engagé dans une quête du pays où poursuivre sa vie. Il a très vite compris que le Vietnam était la destination parfaite où s’établir, tant par la qualité de vie qu’il propose, que par les paysages, la population et la culture du respect qui lui sont propres.
Un artiste plus qu’un photographe
« Tout le monde peut être photographe, mais tout le monde n’est pas artiste. »
En tant que grand amateur d’art en tout genre, collectionneur de livres anciens depuis l’âge de 17 ans, Réhahn a beaucoup réfléchi au sens du mot « artiste ». Que signifie être un artiste ? Selon lui, l’artiste se distingue du simple photographe – de l’artisan – par l’authenticité du vécu qu’il laisse paraître dans ses œuvres. Si un bon photographe est capable de produire un rendu similaire à un travail préexistant, il n’en est pas moins que l’expérience et la dimension plus personnelle d’une œuvre ne transparaissent que dans la production originelle. Que serait La Nuit étoilée de Vincent van Gogh si l’artiste n’avait pas été auparavant fasciné par le japonisme et l’œuvre La Vague du peintre Hokusai ?
Fervent défenseur de l’expression « L’art inspire l’art », Réhahn dépose lui aussi des fragments de sa vie et de ses inspirations dans ses photographies. Il a par exemple capturé, en pleine crise sanitaire, un pêcheur faisant face à une eau agitée, en se remémorant sa lecture de Le vieil homme et la mer, publié par Ernest Hemingway en 1952.
De la même manière, les travaux du célèbre peintre Edward Hopper lui ont donné l’idée de son œuvre The Neighbors, mettant en scène deux protagonistes semblant complètement déconnectés l’un de l’autre.
Les exemples d’inspirations personnelles sont infinis, avec certaines photographies rappelant parfois des représentations de Victor Hugo, la couleur jaune typique de Van Gogh ou encore faisant écho au roman Dorian Gray d’Oscar Wilde.
Mais qu’en est-il de l’après « Precious Heritage » ?
En 2017, au cours de sa quête aux minorités ethniques, Réhahn a été victime d’un grave accident de moto. Il s’est alors confronté à ce qu’il nomme « l’impermanence de la vie ». L’idée d’une existence imprévisible, d’une durée inconnue, l’a poussé à réfléchir dès aujourd’hui à l’héritage qu’il souhaite laisser après lui.
« Mon musée, c’est mon Giverny. »
En référence à la demeure du peintre Claude Monnet, aujourd’hui ouverte au public dans la commune de Giverny, Réhahn perçoit son musée comme symbole de sa postérité. Le Precious Heritage Art Gallery and Cultural Museum de Hoi An est un véritable trésor pour la mémoire des minorités ethniques vietnamiennes, dont la culture et l’histoire disparaissent un peu plus chaque jour.
En capturant leur essence, leurs couleurs et leurs voix, le musée permet à ces différents peuples de résister à l’épreuve du temps qui passe. Mais la préservation de ce musée, c’est aussi une histoire de famille.
En tant que père de deux enfants, Réhahn place à présent sa famille comme sa priorité absolue. S’il s’est aujourd’hui peu à peu retiré de la vie publique, c’est avant tout pour se concentrer sur sa fille et son fils, âgés de seulement cinq et dix ans. A l’image de Diana Picasso, petite-fille du célèbre Pablo Picasso devenue historienne de l’art, il aspire à transmettre son héritage à ses enfants qui s’intéressent déjà à cet univers.
Toutefois, si les proches de Réhahn s’inquiètent de son intérêt très prononcé pour l’après, l’artiste ne compte pas s’en arrêter là et regorge d’idées et de projets. Alors qu’une de ses amies s’est déjà plongée dans l’écriture de sa biographie, il songe à assouvir son rêve de voyager au Japon, tandis qu’il explore de nouveaux horizons artistiques en s’affirmant comme précurseur de l’impressionnisme en photographie.
Par Emilie Tran – Lepetitjournal.com – 21 Décembre 2022
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