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Thaïlande : la jeunesse progressiste, l’une des clés des législatives de dimanche

52 millions d’électeurs appelés à voter, dimanche en Thaïlande : la jeunesse progressiste attend ces législatives. Paetongtarn Shinawatra, 36 ans, issue d’une dynastie politique, pourrait devenir Première ministre. A 42 ans, Pita Limjaroenrat veut tourner le dos à l’armée et la monarchie.

« Est-ce que vous faites confiance au vieux capitaine qui a beaucoup d’expérience, comme moi, ou à un jeune pilote pour faire voler cet avion ? » C’est la question qu’a posée le général Prayut Chan-O-Cha, le Premier ministre sortant, cité par le Bangkok Post. Le journal thaïlandais de référence en langue anglaise indique, ce matin, que l’ancien général putschiste, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 2014, menace tout simplement de quitter la politique, si sa formation, le parti conservateur de la Nation thaïlandaise unie, n’obtient pas assez de sièges, après les législatives de dimanche. Le général de 69 ans est celui qui a répondu aux aspirations démocratiques par la répression et une réécriture de la Constitution en faveur de l’armée. Le Premier ministre sortant est aujourd’hui devancé par deux candidats plus jeunes, dans ce pays de 66 millions d’habitants, deuxième économie d’Asie du Sud-Est (après l’Indonésie),

Favorite des sondages pour devenir Première ministre, Paetongtarn Shinawatra fait campagne sous les couleurs du principal parti d’opposition Pheu Thai. « Si ce nom de famille vous semble familier, c’est parce que la femme de 36 ans est le troisième membre de la dynastie milliardaire Shinawatra à se disputer le poste le plus élevé de la politique thaïlandaise« , rappelle ABC News. La radio-télévision publique australienne se demande si elle n’est qu’un « nepo-baby », 
en tant que fille de l’ancien Premier ministre Taksin Shinawatra et en tant que nièce de Yingluck Shinawatra, autre ex-Première ministre thaïlandaise ; ses ainés vivant tous deux en exil, pour éviter la prison, note ABC News. Beaucoup de Thaïlandais se souviennent de leur politique, de leurs aides à la classe ouvrière. Cette nostalgie semble jouer en faveur de Paetongtarn Shinawatra, note encore le Thai Rath, le journal le plus en Thaïlande.

Le Time magazine voit en Paetongtarn Shinawatra la parfaite politicienne, à l’ère des réseaux sociaux :  « elle compte plus d’un demi-million d’abonnés sur Instagram, contre seulement 29 000 pour le parti qu’elle représente ». Sur son compte, elle ne fait pas que partager la naissance, il y a deux semaines, de son deuxième enfant, ou encore son train de vie glamour, ses tailleurs de luxe, elle y affiche aussi ses idées qualifiées d’« ambitieuses » et d’« audacieuses » par le Time, aux Etats-Unis. « Paetongtarn Shinawatra s’est engagée à presque doubler le salaire minimum journalier d’ici 2027, à étendre la couverture des soins de santé, à subventionner les transports publics de Bangkok, et à créer des infrastructures de stockage d’eau pour protéger les agriculteurs d’un cycle régulier d’inondations et de sécheresses ». Rappelons que la Thailande a suffoqué, dernièrement, sous 45°C. Le quotidien Bangkok Post indique, encore, que, pour les diplômés de l’université, Paetongtarn Shinawatra veut instaurer un salaire mensuel d’au moins 25 000 baths soit 675 euros par mois.

Mais son parti d’opposition, le Pheu Thai, n’a jamais réussi à convaincre, en masse, les électeurs les plus jeunes, progressistes. Or, l’âge des votants sera crucial dans ces législatives, estiment le Bangkok Post et Thaï Rath, c’est pour cela que ces journaux proposent, chacun, des schémas sur la répartition des électeurs, en fonction de leur âge. La journaliste du quotidien Thaï Rath explique que ce que l’on appelle la génération Y, les 25-42 ans, constituent la plus large tranche des électeurs : 18 millions de votants, devant les 44-58 ans qui comptent 15 millions d’électeurs. Quant aux baby-boomers, les 59-77 ans représentent 11 millions de Thaïlandais. Viennent ensuite près de 6 millions d’électeurs âgés de 18 à 24 ans, la génération Z.

Le parti Move Forward et son leader charismatique Pita Limjaroenrat puisent ses forces dans la jeunesse pro-démocratie, indiquent ABC News et Al Jazeera. Cet homme de 42 ans, diplômé d’Harvard, est souvent vu en meeting avec une fuang malai, ce collier de fleurs traditionnel en Thaïlande, orange, aux couleurs de son parti. « Dans la politique thaïlandaise, les personnalités peuvent primer sur les idées et Pita Limjaroenrat a l’attrait d’un boysband », estime le journaliste d’Al Jazeera face à la foule qui acclame le candidat de Move Forward – « Aller de l’avant ». Son programme, qui veut rompre avec le système autoritaire et inégalitaire qui domine le royaume thaïlandais depuis des décennies, séduit au-delà des jeunes, comme le confirment la BBC et le Bangkok Post : pour encourager la natalité, Pita Limjaroenrat veut offrir 3 000 baths aux nouveaux parents, soit 81 euros par nouveau-né. Il souhaite, par ailleurs, allouer la même somme aux personnes âgées, tous les mois. Move Forward veut également organiser un référendum constitutionnel et abolir le Sénat nommé par les militaires, qui a joué un rôle clé dans les dernières législatives de 2019. Lors de ces élections, l’ancêtre de Move Forward, le parti Future Forward avait remporté plus de 6 millions de voix, principalement auprès des jeunes électeurs urbains, avant d’être dissous.

« Zéro risque de coup d’Etat après ces élections », promet le chef de l’armée thaïlandaise, dans les pages du Bangkok Post. « Si les prédictions des sondages d’opinion se maintiennent et que le Pheu Thai et Move Forward réussissent suffisamment bien pour s’assurer qu’ils obtiennent une majorité substantielle des 500 sièges de la chambre basse, la grande question est de savoir s’ils seront autorisés à former un gouvernement. La constitution rédigée par l’armée permet à 250 sénateurs, tous nommés par la junte qui a pris le pouvoir en 2014, de participer au vote sur le choix du prochain Premier ministre. Des tribunaux pourraient aussi dissoudre l’un ou les deux partis réformistes », conclut la BBC.

Par Catherine Duthu – Radio France Culture – 12 mai 2023

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