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Qui est donc cette nouvelle députée que l’on surnomme la “tueuse de géant” ?

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Fraîchement élue au poste de député, Rukchanok Srinork – connue également sous le nom de Ice – se confie dans une interview donnée à Le Guardian sur sa récente victoire électorale.

Rukchanok Srinork est une jeune militante pro-démocratique qui a commencé sa carrière politique en se joignant aux manifestations contre le pouvoir militaire qui ont fleuri dans le pays ces dernières années.

Rukchanok fait aujourd’hui partie de ces nombreux jeunes députés du parti progressiste Move Forward.

En remportant 152 sièges, ce nouveau venu dans la vie politique thaïlandaise a crée la surprise en faisant le meilleur score lors des élections de dimanche dernier en Thaïlande.

« Ice » est devenue particulièrement populaire lors de la dernière campagne électorale.

Malgré la chaleur étouffante qui régnait à Bangkok, elle s’est fait remarqué en battant campagne juchée sur sa bicyclette à travers le district de Bang Bon.

Cette campagne originale a porté ses fruits : elle a réussi à évincer le fils d’une des plus puissantes familles politiques de Thaïlande qu’elle a devancé au final de 21 000 voix.

Elle a en effet réussi l’exploit de gagner le siège attribué d’avance à Wan Ubumrung, fils d’un illustre politicien qui a fait toute sa carrière au sein du Pheu Thai, le premier parti d’opposition.

Il n’en fallait pas moins pour lui bâtir une réputation.

Cette victoire lui a valu le sobriquet de « tueuse de géant » par certains médias thaïlandais.

On parle aussi d’elle sur les réseaux sociaux comme étant celle qui a « terrassé un éléphant avec une bicyclette »!

«Nous pensions pouvoir gagner », a déclaré Rukchanok.

«Nous ne nous attendions pas à une victoire aussi importante.

Je pense que notre génération entame aujourd’hui une nouvelle ère. »

Dépourvu de moyen important, la campagne du parti Move Forward a été mené avec un budget bien plus modeste que les autres formations politiques.

Le matin, Ice se positionnait sur les carrefours routier de la capitale en profitant des 90 secondes d’arrêt de la circulation quand le feu est rouge pour scander son message dans un mégaphone.

L’après-midi, elle arpentait les rues surchauffées sur sa bicyclette avec le mégaphone en bandoulière.

De son propre aveu, les moyens modestes qui ont été les siens lui ont permis d’être plus proche de la population et d’avoir des conversations riches et sincères avec les gens.

Son parti, Move Forward, a fait campagne en promettant des réformes importantes.

Il a été le seul parti à déclarer dès le départ qu’il refuserait toute coalition avec les militaires qui se sont emparés du pouvoir lors du coup d’État de 2014.

Dans son programme, le parti a également promis de démilitariser la politique et de s’attaquer aux grands monopoles ainsi que de développer la protection sociale ou encore de moderniser l’éducation.

Il a enfin été le seul parti à s’engager à réformer la loi de lèse-majesté, en vertu de laquelle critiquer le roi peut encore et toujours conduire à 15 ans de prison.

Le parti bénéficie d’un soutien important de la part de la jeunesse thaïlandaise au sein de laquelle un grand nombre a participé aux manifestations en faveur d’une réforme de la monarchie en 2020.

Certains députés du parti, dont Rukchanok en personne, étaient en première ligne lors de ces manifestations et beaucoup ont fini par se faire accuser de crime de lèse-majesté.

Le pouvoir militaire – conservateur et royaliste – est, quant à lui, fermement opposer à toute modification de cette loi.

Bien qu’il ait été clairement désavoué lors du récent scrutin, l’ancien pouvoir garde une main mise importante sur le sénat puisqu’il bénéficie du soutien indéfectible de sénateur non élus qui leur sont entièrement acquis.

Et Rukchanok de les mettre en garde :

« Ils doivent réfléchir soigneusement à la question de savoir s’ils vont se ranger du côté du peuple ou contre le peuple » ajoutant qu’il était fort probable que le peuple redescende dans la rue si ce dernier avait l’impression que son vote avait été ignoré.

Aujourd’hui âgée de 30 ans, Rukchanok a eu un parcours de vie difficile. Orpheline, elle a d’abord été placée dans une crèche de Bang Bon où elle a été adopter quand elle était encore bébé par un couple aux revenus modestes qui l’a ensuite élevé dans la ville voisine de Thonburi.

Brillante élève et faisant preuve de débrouillardise, elle a poursuivi ses études dans la prestigieuse université Thammasat de Bangkok.

Études qu’elle a réussi à financer elle-même en donnant des cours particuliers à des enfants et en vendant des articles sur les réseaux sociaux où elle est rapidement devenue populaire auprès de nombreux adeptes.

Son parcours politique est loin d’être anodin lui non plus.

Dans sa jeunesse, Rukchanok avait des opinions politiques très différentes d’aujourd’hui.

Elle se souvient avoir soutenu à l’époque le coup d’État militaire de 2014 et avoir salué l’arrivée de Prayuth Chan-ocha quand celui-ci s’apprêtait à devenir premier ministre.

C’est en discutant avec des amis de leurs opinions politiques respectives que sa position a commencé à évoluer.

« Cela m’a amenée à réfléchir de manière plus critique. Je me suis alors posé la question de savoir à qui profitait réellement le coup d’État ».

D’après elle, beaucoup de jeunes thaïlandais ont opéré un changement similaire ces dernières années.

Elle nous rappelle à ce sujet que le débat politique d’aujourd’hui est très différent et bien plus libre que ce qu’il était il y a dix ans.

Les positions courageuses de Move Forward sur les questions relatives à la monarchie auraient été autrefois impensables.

Depuis, le parti n’a cessé de gagner en popularité et a même pu bénéficier du soutien affiché d’un nombre toujours croissant de célébrités et d’influenceurs particulièrement dans les dernières semaines qui ont précédé l’élection.

C’est ainsi qu’on a vu fleurir sur les réseaux de nombreuses photos de personnes s’offrant des cœurs orange à la couleur du parti ou se mettant en scène en faisant un grand pas en avant en jouant sur les mots avec le nom du parti Move Forward (allons de l’avant!).

Lors de la campagne électorale, beaucoup d’électeurs plus âgés sont allés à sa rencontre pour lui demander pourquoi fallait-il, selon elle, réformer la loi sur le crime de lèse-majesté :

« Je leur ai dit tout simplement que c’était nécessaire parce que cette loi est trop souvent utilisé politiquement pour museler des adversaires – cela a été utilisé contre moi aussi et contre beaucoup d’autres opposants, c’est pourquoi nous voulons y remédier » dit-elle sur un ton déterminé.

Consciente des enjeux et de ses nouvelles responsabilités, Rukchanok a tenu à faire savoir qu’elle se rendait bien compte de l’ampleur du défi que cela représentait de faire partie du gouvernement.

Leur ambition étant avant tout de faire en sorte que la Thaïlande devienne plus égalitaire.

Elle évoque à ce propos des mesures à prendre concernant l’éducation et la justice, devant lesquelles, selon que l’on soit pauvres où riches, les thaïlandais ne sont pas logés à même enseigne.

« Naître pauvre dans ce pays est très préjudiciable », a-t-elle déclaré.

« Si vous naissez pauvre, vous ne jouirez pas des mêmes droits, vous n’aurez pas accès aux ressources nécessaires, vous ne pourrez pas faire d’études dans les grandes écoles, vous aurez moins d’opportunités tout au long de votre vie ».

Par Rebecca Ratcliffe & Pirada Anuwech – The Guardian / Toutelathailande.fr – 20 mai 2023

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