Hanoï conserve les villas françaises, symbole du patrimoine culturel
Les bâtiments et les anciennes villas françaises de plus de 100 ans constituent aujourd’hui un trésor patrimonial de l’architecture urbaine de Hanoï. La ville a élaboré des plans pour gérer, préserver et promouvoir la valeur culturelle et historique de ces ouvrages uniques.
Récemment, le projet de rénovation de la villa française située au 49, rue Trân Hung Dao, dans le centre-ville de Hanoï, a été réalisé de manière méthodique, en se concentrant sur les différents aspects fonctionnels. Il s’agit là d’une belle initiative visant à préserver l’âme de ce patrimoine.
Sa nouvelle apparence a suscité un grand intérêt auprès du public, en particulier des passionnés de patrimoine.
“Cette rénovation est une excellente nouvelle pour Hanoï”, a exprimé Martin Rama, consultant auprès du président de la Banque mondiale, qui a vécu dans la ville pendant de nombreuses années.
“Cette villa n’est peut-être pas extraordinaire d’un point de vue architectural. Mais il ne reste que peu de villas dans la ville, un peu plus d’un millier. Elles sont démolies, s’effondrent, et sont remplacées par de nouveaux bâtiments, ce qui nuit à l’aspect visuel de la capitale”, a-t-il expliqué. Et d’ajouter : “Hanoï est un mélange extraordinaire de différentes traditions, avec ses rues culturelles et architecturales bordées d’arbres. La préservation de ces bâtiments est donc très précieuse pour la ville”.
Ladite villa à deux étages, qui appartient au gouvernement et s’étend sur une superficie de 990 m², avait été laissée à l’abandon pendant de nombreuses années. Le projet de rénovation était initialement prévu en 2016, mais il a finalement démarré en avril 2022, pour un coût de 14,7 milliards de dôngs (630.000 USD), grâce à la collaboration entre les autorités de l’arrondissement de Hoàn Kiêm et des experts de Paris. La rénovation est désormais presque achevée.
Selon l’architecte français Emmanuel Cerise, responsable du projet, les experts disposaient de très peu de matériaux et d’images de l’édifice sur lesquels ils travaillent. “Il est courageux et intéressant de présenter un exemple de restauration de ce type, avec des couleurs douces et des fausses briques”, a-t-il informé. “Les villas de l’époque coloniale française ont des couleurs pâles, car elles ont été patinées par le temps et ont perdu de leur éclat. Mais à l’origine, les couleurs étaient éclatantes”.
Un immense patrimoine architectural
L’historien Duong Trung Quôc a exprimé sa sympathie envers les restaurateurs. Il a déclaré que les experts devaient effectuer des recherches approfondies sur les matériaux et les conceptions de la villa avant de prendre une décision finale sur la méthode à suivre.
“La capitale possède un immense patrimoine architectural. En plus des grandes villas utilisées comme bureaux d’État, on y trouve des villas privées qui bordent des rues entières. La mauvaise gestion urbaine à certaines périodes a entraîné la disparition de nombreux bâtiments de l’époque coloniale française”, a-t-il cité.
“Les autorités de Hanoï ont accordé une grande attention à ce problème, en menant des recherches et des enquêtes approfondies ainsi qu’en mettant en place des politiques appropriées”, a souligné l’historien.
“Nous avons réussi à conserver de nombreux bâtiments qui ont été utilisés à d’autres fins, tels que le Musée de l’histoire du Vietnam, le palais présidentiel, le lycée Albert Sarraut (aujourd’hui le lycée Trân Phu), la maison d’hôtes du gouvernement et le Palais présidentiel, ou encore la Cour populaire suprême du Vietnam”, a-t-il déclaré.
Actuellement, Hanoï compte 1.216 villas d’architecture française construites avant 1954, dont 367 appartiennent à l’État, 732 sont en copropriété entre l’État et les ménages ou entre ménages, et 117 ont des propriétaires privés uniques.
Ces bâtiments ont été classés en différents groupes : 222 sont dans le groupe 1 et doivent être restaurés selon la conception d’origine ; 356 sont dans le groupe 2 et doivent être conservés leur aspect extérieur ; et 638 sont dans le groupe 3 et pourraient éventuellement être démolis si leur état se détériore davantage.
Lesdits ouvrages se trouvent principalement dans des arrondissements centraux tels que Ba Dinh, Hoàn Kiêm, Hai Bà Trung, Tây Hô et Dông Da et ont été construits il y a plus de 100 ans.
Une restauration adaptative
Les villas de style français dans la capitale ont une grande valeur en termes de culture et de paysage urbain. Cependant, peu d’attention leur ont été accordée.
De nombreux experts ont proposé une restauration adaptative pour ces bâtiments français. “Ces édifices construits par les Français avant 1954 représentent une forte diversité en termes d’histoire, de société et d’art. L’arrivée des constructions françaises a apporté un nouveau mode de vie. Auparavant, les Vietnamiens vivaient dans des maisons mitoyennes construites dans un style rural. Avec l’arrivée des Français, des maisons à l’occidentale ont été construites, avec une polyvalence fonctionnelle. Elles ont marqué le développement de la société vietnamienne, passant de la tradition à la modernité”, a déclaré l’architecte Truong Ngoc Lân, directeur adjoint du Département d’architecture et d’urbanisme de l’Université de génie civil de Hanoï.
Truong Ngoc Lân a souligné le changement des concepts artistiques et de la perception de la beauté. “Nous avions auparavant un style d’art traditionnel, mais les générations suivantes ont accepté un nouveau courant artistique occidental, qui est devenu une partie essentielle de la vie artistique du peuple vietnamien”.
Il a également évoqué les technologies des architectes français qui ont habilement combiné les espaces existants avec le design occidental, les toits en pente orientale, les motifs décoratifs locaux et diverses solutions pour s’adapter au climat tropical de Hanoï. “Les maisons à la française de Hanoï constituent un précieux patrimoine architectural, qui contribue à l’identité de la ville. Cependant, on s’inquiète de la façon dont la restauration des villas est menée”.
L’architecte Lân a exprimé son regret que “de nombreux bâtiments sont détenus par des personnes et des organisations qui ne sont pas pleinement conscientes de la valeur du patrimoine. De nombreuses villas n’ont pas encore été classées. Au fil du temps, ces maisons sont vendues et démolies pour être remplacées par de nouveaux bâtiments modernes”.
“Nous devrions apprendre des pays développés en matière de restauration adaptative, où les gens comprennent la valeur du patrimoine, connaissent les avantages d’une bonne restauration et sont régis par des lois détaillées et claires”, a-t-il souligné.
L’architecte Trân Quôc Bao, du même département, soutient cette idée. “Nous devons expliquer aux habitants les avantages de la restauration. Dans d’autres pays, ils ont des réglementations strictes selon lesquelles les personnes vivant à l’intérieur de bâtiments classés qui souhaitent les moderniser doivent soumettre leurs plans aux autorités, a-t-il fait savoir. La plupart des gens modernisent leur maison tout en conservant l’aspect extérieur. Ils peuvent effectuer quelques changements, comme remplacer les fenêtres en bois par des cadres en métal, mais ils doivent préserver la forme d’origine. La ville soutient la rénovation tout en préservant l’apparence originelle des édifices”.
La conservation doit s’adapter et répondre de manière flexible à chaque ensemble de bâtiments afin de correspondre à la nature unique de chaque site. Dans les zones comprenant à la fois des habitations et des structures publiques, il convient d’adopter une approche flexible lors du processus de rénovation afin de ne pas compromettre les valeurs à préserver.
Conservation et exploitation
L’architecte Trân Ngoc Chinh, président de l’Association d’aménagement et de développement urbain du Vietnam, a également analysé le modèle de conservation adaptatif afin que les gens puissent exploiter l’efficacité socio-économique des ouvrages, tout en les préservant.
“L’orientation juridique et pratique souligne l’importance d’associer conservation et exploitation du patrimoine. À partir de l’expérience de nombreux pays à travers le monde, pour gérer le riche et diversifié patrimoine de Hanoï avec des ressources limitées, la ville doit analyser correctement leur valeur et classer le patrimoine afin de développer des scénarii de conservation et de rénovation appropriés”, a souligné l’architecte Dào Ngoc Nghiêm, vice-président de l’association.
Selon lui, de nombreux éléments du patrimoine doivent être conservés dans leur état d’origine, tandis que d’autres nécessitent une préservation uniquement dans le style, et certains peuvent être entièrement transformés.
L’architecte Thai Vu Manh Linh a souligné que dans les pays développés, le patrimoine architectural urbain est considéré comme l’élément central qui crée l’âme d’une ville, portant une grande valeur qui ne peut être quantifiée.
Par conséquent, la conservation adaptative nécessite également une sensibilisation de la communauté et une participation collective à la préservation du patrimoine.
L’historien Duong Trung Quôc a déclaré que si la ville trouvait une approche appropriée pour rénover les anciens bâtiments, l’architecture ancienne pourrait être restaurée et la beauté de Hanoï serait grandement améliorée. “Le siège de la Cour populaire suprême du Vietnam, où le bâtiment central a été conservé et les bâtiments environnants nouvellement construits, ainsi que les locaux de la Police de Hàng Trông sont des exemples de réussite de la conservation adaptative. Je pense que le processus de rénovation est sur la bonne voie”, s’est-il réjoui.
Par Thuy Hà – Le courrier du Vietnam – 29 juillet 2023
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