« Visa pour l’image » à Perpignan : Siegfried Modola récompensé pour un reportage en Birmanie
Le Visa d’or News a été décerné le 9 septembre au photojournaliste italo-britannique Siegfried Modola pour son reportage au cœur de la révolution armée birmane.
Le Visa d’or News a été remis, le samedi 9 septembre à Perpignan, au photojournaliste Siegfried Modola pour son reportage sur la révolution armée en Birmanie, publié dans le quotidien canadien anglophone Globe and Mail. La récompense attire ainsi l’attention sur ce pays qui s’enfonce dans la guerre civile depuis le coup d’État de février 2021. Des milliers de civils sont tués, les populations sont déplacées, la loi martiale s’étend au fur et à mesure que la junte militaire perd du terrain, la résistance des milices s’organise.
Entré clandestinement sur le territoire – les journalistes étrangers y étant interdits –, Siegfried Modola a suivi une unité de milice à travers la jungle, les montagnes et les vallées de l’État de Kayah, dans l’est de la Birmanie. La région est sous le contrôle de l’aile armée du gouvernement en exil et de l’armée karennie (KA), aile armée du Parti national progressiste karenni (KNPP) qui combat les forces armées birmanes, la Tatmadaw, depuis plus de 70 ans.
Immersion auprès des rebelles
Le photojournaliste, âgé d’une quarantaine d’années a été intégré à une colonne de guérilleros au cœur de la rébellion. Il a gagné la ligne de front après quatre jours de marche intense à travers la jungle tropicale qui recouvre le relief escarpé de l’État karenni.
Dans la petite ville de Demoso, les bâtiments détruits et les rues désertes témoignent de l’intensité des affrontements, ce bastion de la rébellion étant la cible régulière de frappe aérienne ou d’offensive d’artillerie de la part de la junte. Majoritairement chrétiens, catholiques ou baptistes, les Karennis sont obligés de déserter les églises devenues les cibles privilégiées de ces attaques.
Une première partie de ce travail avait été exposée lors de l’édition précédente du festival montrant la vie dans les camps de déplacés. Les familles sont contraintes de fuir les combats car la déstabilisation de la population civile qui soutient les rebelles fait partie de la stratégie des militaires de la junte. Cela contraint aussi les rebelles à prendre en charge la population, qui ne reçoit actuellement aucune aide internationale, ni les Nations unies ni les ONG n’étant autorisées à leur venir en aide.
Quatre journalistes birmans tués
Souhaitons que ce prix permette un coup de projecteur sur une situation de plus en plus violente et critique où la junte, afin de cacher les massacres de civils et d’asseoir son autorité, arrête, emprisonne, torture, voire élimine sans ménagement les journalistes qui pourraient gêner son contrôle sur l’information. Selon RSF, quatre journalistes birmans ont été tués, au moins 130 ont été arrêtés et emprisonnés et 72 demeurent toujours détenus.
La Birmanie constitue désormais, en chiffres relatifs, le pays qui emprisonne le plus ses journalistes par rapport à l’ensemble de sa population. En 2021, le Visa d’or News avait récompensé le travail d’un photographe birman resté anonyme pour des questions de sécurité pour sa couverture des manifestations ayant suivi le coup d’État.
Photographe indépendant, après un passage par l’agence Reuters, Siegfried Modola, de nationalité italo-britannique, a grandi au Kenya. Il se partage aujourd’hui entre Nairobi et Paris où il réside avec sa femme et ses deux enfants.
Après avoir remercié en premier lieu « les gens qui nous ont permis de raconter leurs histoires » et les médias qui permettent de les transmettre, le photojournaliste a salué le reporter de guerre Goran Tomašević, « son mentor ». Il a conclu par une pensée pour sa propre famille, qui « accepte de se mettre en retrait quand il le faut et sait quand il est temps de me faire revenir
Par Isabelle de Lagasnerie – La Croix – 10 septembre 2023
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