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L’homme qui rêve d’entendre resiffler le train de Dalat

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Après de longues années d’études et de tergiversations, le projet de réhabilitation de la mythique ligne de chemin de fer qui relie la ville d’altitude de Dalat à celle, côtière, de Phan Rang semble avoir pris une tournure encourageante au début de l’année 2023, lorsque d’une part l’entreprise Bach Dang (Bach Dang Hotel Service – Trading Joint Stock Company) soumit un plan d’investissement et de réalisation au Ministère vietnamien des transports, et d’autre part, lorsque fut annoncé l’implication de l’entreprise suisse Stadler, héritière de la société SLM qui fournit la technologie à l’époque du premier chantier.

Construite entre 1908 et 1932, abandonnée en 1976, puis progressivement démantelée pour servir à la reconstruction de la ligne Nord-Sud, ce chemin de fer digne de tous les superlatifs est entré dans la légende, jugez plutôt: seconde voie ferrée à crémaillère de l’Histoire, 84 kilomètres partant des vestiges d’anciennes tours Cham pour monter les 1500 mètres de la chaîne annamitique en passant par 16 kilomètres de voies à crémaillère d’un dénivelé allant jusqu’à 12%, onze gares, cinq tunnels, plusieurs ponts, l’une des plus belles et des plus anciennes gares du Sud-Est asiatique…

Que ce soit d’un point de vue culturel, historique, économique, écologique ou technologique, la ligne méritait que l’on s’occupât de sa préservation, et mieux, de sa remise en activité. Ceci commença par les sept kilomètres remis en fonction entre Dalat et Trai Mat en 1991, suivi du classement de la gare de Dalat au « Patrimoine touristique historique et culturel national » en 2002.

Depuis, pouvoirs publics, entreprises et médias se penchent sur la reconstruction de l’ensemble de l’ouvrage. C’est aussi le cas de particuliers, vietnamiens ou étrangers, qui se sont pris d’affection pour ce formidable projet.

Curtis Kovach, l’américain passionné de trains

Né à Cleveland le 25 septembre 1967 dans l’État de l’Ohio, aux États-Unis, Curtis Kovach fait partie de ceux-là. Dans le cadre de ses études en administration des affaires internationales, il se retrouva en Chine dans les années 90, ce qui l’amena ensuite à Singapour où il se lança dans une carrière musicale, puis au Vietnam. Ses pérégrinations l’amenèrent un jour, il y a une quinzaine d’années, à prendre le train circulant de Dalat à Trai Mat.

Se demandant où menait cette voie, il fut de suite saisi par l’histoire qui lui fut raconté et il entreprit d’effectuer des randonnées tout le long pour explorer les vestiges témoignant de l’ancienne gloire du chemin de fer Dalat-Thap Cham. Il faut dire que celui qui est désormais connu par son nom d’artiste, Curtis King, est un vrai passionné de trains et ce depuis l’enfance. Sa famille vivant au bord d’un parc national traversé par une machine à vapeur, le lointain son du sifflet et le grondement de la ferraille faisaient partie de son quotidien.Cette passion faillit lui coûter la vie lorsqu’à l’orée de ses vingt ans, il partit à la recherche d’un pont à tréteaux aperçu alors qu’il travaillait sur une ligne de trains touristiques à Snoqualmie, État de Washington.

Traversant une forêt, il retrouva le vieux pont en bois abandonné et entreprit de l’arpenter, sauf qu’à mi-distance celui-ci s’avéra instable et Curtis dû rebrousser chemin non sans se blesser sur les multiples échardes. De cet épisode, il reste affecté par de graves vertiges sans que cela n’entame sa passion ferroviaire. Curtis eut ainsi l’occasion de se mettre aux commandes de locomotives dans sa patrie natale mais aussi en Chine et au Vietnam.

Curtis et la voie ferrée Dalat-Thap Cham

Ainsi donc, non seulement Curtis explora la voie Dalat-Thap Cham à plusieurs reprises, traversant de somptueux paysages de montagne, mais il fit également son possible pour influer sur sa reconstruction, déterminé à être partie prenante dans cette entreprise. Il multiplia les voyages et les rencontres au Vietnam et autour du monde pour trouver des décideurs, investisseurs et partenaires industriels potentiels : Chine, Inde, Japon, Allemagne, Suisse et France… au salon Innotrans de Berlin comme en autres endroits regroupant des passionnés du rail, il tenta inlassablement de connecter des experts internationaux avec le projet vietnamien.

À Dalat, Il rencontra Nguyen Van Vien, l’un des derniers conducteurs de la locomotive à vapeur, alors centenaire, qui lui raconta tout sur le fonctionnement du train sur la voie à crémaillère et les incidents graves survenus par le passé. Curtis ne manqua aucune occasion de faire parler du projet dans divers médias pour faire monter l’attente d’une réalisation prochaine dans l’opinion publique.

En 2010, une opportunité se présenta à lui et à la mère de ses enfants, Nguyen Thi Thu Thuy, de reprendre une ancienne villa de cheminot pour en faire un hôtel. Plus tard, ils purent louer une bonne partie du quartier dévolu aux anciens employés de la gare de Dalat, restaurant et aménageant des villas en mauvais état. Le 16 avril 2013, ils parvinrent à y installer et restaurer un ancien wagon de transport de fret datant des années 1910. Malheureusement, les vicissitudes rencontrées pendant la pandémie mondiale de 2020-2022 eurent raison du « Dalat Train Villa » et l’ensemble passa dans les mains d’autres propriétaires.

Cependant, le rêve de Curtis de voir un jour un train rouler de Dalat à Thap Cham semble sur le point de se réaliser. Le souhait le plus cher de ce passionné est que les jeunes générations vietnamiennes, notamment ses propres enfants, puissent ressentir les émotions indélébiles qu’il a lui-même ressenties étant jeune lorsqu’il parcourait une réserve naturelle à bord d’un train à vapeur. Pour lui, ce projet est tout à fait réalisable et, grâce aux technologies modernes, probablement en quelques années. Il aimerait qu’une fois la ligne complètement restaurée, celle-ci soit classée par l’UNESCO pour sa valeur historique, sa singularité et la beauté des paysages naturels qu’elle traverse. Faisant du corridor ferroviaire qui traverse les provinces de Lam Dong et Ninh Thuan, un nouveau parc national. Que les gares qui jalonnent le trajet soient reconstruites selon les plans d’époque afin de préserver ce patrimoine architectural pour offrir aux futurs passagers une expérience authentique et inoubliable. Selon le plan soumis par la société Bach Dang, les travaux de restauration devraient commencer en 2025 et se conclurent en 2030. Souhaitons la réussite de ce projet extraordinaire qui démontrera à la fois que le Vietnam mériterait sa place auprès des nations développées ainsi que le génie de son peuple.

Pour en savoir plus sur Curtis King et sa carrière musicale en particulier : http://curtisking.com

Par Nicolas Leymonerie – Lepetitjournal.com – 19 octobre 2023

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