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La Thaïlande, pays vieux avant d’être riche

La population thaïlandaise vieillit à une vitesse impressionnante, mais le pays reste encore pauvre : quel avenir pour un pays confronté aux mêmes problèmes que l’Occident, sans ses ressources ?

La baisse du nombre de naissance dans de nombreux pays est l’un des enjeux majeurs de l’humanité au XXIe siècle : elle pose en effet de sérieux problèmes à des économies où le nombre de personnes âgées finit par devenir trop important pour le nombre de jeunes. Et ce problème s’impose désormais en Thaïlande, avec une différence de taille face à d’autres pays : Bangkok pourrait bien vieillir avant d’avoir pu se développer suffisamment.

Une démographie en berne

1,3 enfant par femme : c’est le taux de fertilité thaïlandais en 2021, selon la Banque Mondiale, l’un des plus bas d’Asie. D’autres pays de l’Asie de l’Est sont dans une situation similaire, comme la Corée du Sud avec 0,8 enfant par femme la même année, ou encore le Japon à 1,3.

Si peu d’enfants naissent désormais en Thaïlande, la population est encore loin d’atteindre l’âge médian des deux pays à la population la plus âgée, le Vatican et Monaco, avec respectivement 57,5 et 54,5 ans d’âge médian en 2022, selon Our World In Data.

Viennent après eux des pays comme le Japon avec 48,7 ans ou l’Italie à 47,3 ans. La Thaïlande est de son côté à 39,7 ans d’âge médian, un niveau similaire à la Russie ou au Luxembourg. Mais cet âge médian était de 30,1 en 2000 : cette transformation, légèrement plus rapide que celle des autres pays évoqués, survient surtout alors que la Thaïlande n’est pas parvenue à enrichir massivement sa population.

« On trouve derrière le ralentissement démographique le développement économique, l’égalisation des conditions homme-femme, l’urbanisation… », explique la politologue Eugénie Mérieau, autrice d’Idées reçues sur la Thaïlande aux éditions du Cavalier Bleu.

Mais le PIB par habitant de la Thaïlande s’élevait à 6 908,80 dollars par habitant en 2022, selon les données de la Banque Mondiale, contre 33 815,3 au Japon ou 48 432,5 en Allemagne. Un écart colossal, qui soulève bien des questions à Bangkok : le pays peut-il encaisser le vieillissement accéléré de sa population, alors même qu’il n’a pas atteint les revenus d’autres États confrontés au même problème ?

Des difficultés politiques qui se reflètent sur l’économie

« La croissance économique de certains pays d’Asie de l’Est, comme la Corée du Sud ou Singapour, s’est basée sur un avantage comparatif qu’on a cherché à développer. Mais la Thaïlande a été marquée par une instabilité politique qui a fait obstacle à la mise en place d’un capitalisme d’État, tandis que la monarchie a préservé des monopoles — la corruption est également endémique », note Eugénie Mérieau.

« La crise asiatique de 1997 a également freiné le pays au moment où il connaissait un essor », souligne la chercheuse, ralentissant le rythme du développement de la Thaïlande face à d’autres poids lourds d’Asie de l’Est.

Mais le pays pourrait cependant manquer de main-d’œuvre, sans pour autant avoir eu le temps de rattraper ce retard : selon The Economist, la Thaïlande est passée de 7 % de personnes âgées de plus de 65 ans en 2002 à 14 % en 2021. Une progression encore plus rapide que celle du Japon, qui avait mis 24 ans à atteindre ce niveau.

Si le gouvernement est conscient de ce nouvel état de fait, sa réaction a en revanche été controversée. En août, la Thaïlande a assisté à la fin du régime universel des pensions de retraite, qui seront désormais accordées uniquement aux « personnes sans revenus ou avec des revenus insuffisants pour assurer leur subsistance », selon Khao Sod. L’allocation, qui pouvait monter jusqu’à 1 000 bahts, soit 26,20 euros, était disponible pour les Thaïlandais de plus de 60 ans, selon Courrier International.

L’objectif est d’économiser plus de 2 milliards d’euros par an, mais cette décision soulève des inquiétudes pour les millions de Thaïlandais s’approchant de la retraite. Le système de retraite lui-même restait déjà peu développé, le salaire moyen thaïlandais au troisième trimestre de 2023 s’élevant à environ 403 euros par mois, selon Take-Profit. « Le ressenti est presque de l’indifférence, les revenus versés sont déjà tellement faibles », explique Eugénie Mérieau.

Une crise complexe à traiter

Le cas des retraites n’est pas isolé : tout le système social thaïlandais risque d’être bouleversé par le ralentissement démographique, alors qu’il est déjà dysfonctionnel. « La Thaïlande a un système de santé proche des États-Unis, à plusieurs vitesses : on a des hôpitaux privés très chers et équipés, là où les hôpitaux publics son soumis à de très longues listes d’attente, note Eugénie Mérieau. Des personnes avec un cancer peuvent mourir avant d’avoir pu accéder à un traitement. »

« On est face à un modèle social très peu développé : la jeunesse demande un État providence, mais du fait d’un système politique peu démocratique, n’est pas entendue, ajoute-t-elle. Comme dans d’autres pays, les enfants financent leurs parents à la retraite directement, mais ce système ne peut plus tenir puisque le nombre d’enfants ne cesse de diminuer face au nombre de personnes âgées. »

Pékin, qui ne possède pas de sécurité sociale robuste et est confrontée à une chute rapide de la natalité, peut illustrer ce qui risque d’arriver à Bangkok : les familles sont dans l’obligation d’épargner une part importante de leurs revenus pour leur retraite, freinant la consommation alors même que la croissance ralentit. La Chine a frôlé la déflation ces derniers mois, à la suite d’une baisse de cette consommation des citoyens qui sont confrontés à d’autres problèmes, comme la chute des exportations et une crise immobilière majeure. Le pays du sourire doit-il connaître un même destin ?

Par Benjamin Laurent – Géo Magazine – 13 novembre 2023

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