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Birmanie : Laukkai, capitale des trafics, se vide à l’approche des combats

Des milliers de personnes abandonnées à leur sort ont fui Laukkai, ville de trafics en tous genres du nord de la Birmanie, qui se vide de ses habitants à l’approche des combats entre la junte et les groupes ethniques.

Des milliers de personnes abandonnées à leur sort ont fui Laukkai, ville de trafics en tous genres du nord de la Birmanie, qui se vide de ses habitants à l’approche des combats entre la junte et les groupes ethniques.

Le nord de l’Etat Shan, près de la frontière chinoise, est le théâtre d’affrontements depuis l’offensive coordonnée, fin octobre, de trois groupes ethniques minoritaires contre le pouvoir militaire central et ses alliés.

Les combattants de l’alliance armée ont revendiqué le contrôle de plusieurs villages et routes stratégiques, au cours de cette attaque qui menace la junte dans des proportions inédites depuis le coup d’Etat de 2021, selon des analystes.

Des milliers de personnes tentent de fuir à pied ce « Far West » birman réputé pour les trafics lucratifs liés aux casinos, maisons closes et centres d’arnaque en ligne.

Laukkai, capitale de la région sinisante de Kokang, revêt une importance symbolique pour la junte. C’est là-bas que l’actuel chef de la junte, Min Aung Hlaing, s’était distingué en 2009 en menant une offensive qui a délogé l’Alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA).

Depuis, la ville est dominée par une milice pro-armée qui s’est enrichie grâce à la production de drogues, et à toutes sortes de trafics, de la prostitution aux jeux d’argent, nourris par les visiteurs chinois qui traversent la frontière toute proche.

L’essor de Laukkai a attiré des travailleurs d’autres régions de la Birmanie, comme Kyaw Kyaw, qui a expliqué à l’AFP gagner environ 400 dollars (370 EUR) par mois en travaillant comme mécanicien, avant de se résoudre à partir.

Périple à pied

Les dernières vagues de travailleurs migrants, dont il faisait partie, étaient priées de ne pas s’approcher des centres d’arnaque en ligne.

« Ceux qui y travaillaient ne pouvaient pas quitter le site. Nous ne pouvions pas non plus y aller parce que l’endroit était surveillé par des membres de la milice », a-t-il décrit, s’exprimant sous un pseudonyme pour des raisons de sécurité.

Les trafiquants font travailler des citoyens chinois et d’autres pays asiatiques pour escroquer leurs compatriotes en ligne, à travers de fausses plateformes d’investissements ou d’autres montages frauduleux, selon des analystes.

Au moins 120.000 personnes seraient retenues dans ces centres dans l’Etat Shan et le reste de la Birmanie, selon les Nations unies.

Ces activités ont provoqué la colère de la Chine, l’un des principaux fournisseurs d’armes de la junte, qui a demandé à plusieurs reprises à Naypyidaw de mettre un terme au trafic.

Le MNDAA, qui figure dans l’alliance qui a attaqué la junte fin octobre, a annoncé mardi que ses combattants encerclaient Laukkai, et qu’il allait remettre à la Chine tout individu soupçonné de diriger les centres d’arnaque en ligne.

La proximité des affrontements ont poussé des milliers de travailleurs birmans à se lancer dans un exode périlleux vers le sud plus sûr.

« On pouvait voir les obus d’artillerie voler au-dessus de nos têtes » depuis le début de l’attaque, a décrit pour l’AFP Aung Aung, qui travaille dans le bâtiment.

« Après environ deux semaines, on ne pouvait plus nous donner à manger parce que c’était devenu très cher », a-t-il expliqué, en utilisant un pseudonyme pour des raisons de sécurité.

Les deux hommes ont mis quatre jours pour atteindre un village contrôlé par l’armée, où l’AFP a pu les joindre par téléphone.

« Envie de rentrer chez moi »

« Des centaines de personnes étaient bloquées et dormaient sur le bord de la route », a décrit Kyaw Kyaw qui, également, a souhaité utiliser un pseudonyme pour se protéger.

Des travailleurs migrants ont d’abord atteint un village aux mains des combattants du MNDAA, qui les a remis à l’Armée unie de l’Etat Wa (UWSA), un autre groupe ethnique minoritaire, pour le moment à l’écart des combats.

L’UWSA leur a donné de la nourriture et des camions pour accompagner leur exode, mais en leur prenant leurs téléphones et d’autres objets en leur possession, selon les deux témoins interrogés par l’AFP.

« Nous n’avons que nos vêtements. Personne n’osait rien dire », a expliqué Aung Aung.

L’accès à la région étant impossible en raison des combats, l’AFP n’a pas été en mesure de vérifier les déclarations des deux hommes.

Après un trajet de quatre jours à pied et par camion, Aung Aung est parvenu à joindre Mong Yang, dans l’est de l’Etat Shan.

Là-bas, il a été placé sous la protection de l’armée birmane, au même titre que d’autres travailleurs déplacés, et a pu contacter ses proches.

Un groupe d’environ 2.000 personnes dort actuellement par terre, et beaucoup de personnes sont tombées malades durant le périlleux périple, a-t-il expliqué.

Mais il a assuré être soulagé de s’être éloigné des combats qui se sont propagés dans d’autres régions de la Birmanie, où plus de 200.000 personnes ont dû se déplacer, selon l’ONU.

Kyaw Kyaw, qui attend aussi à Mong Yang, a admis ne pas savoir quand il pourrait rejoindre sa famille à Mandalay, encore à des centaines de kilomètres de là.

« J’ai travaillé dans un garage à Laukkai pendant presque deux ans. Toutes mes économies ont disparu maintenant », a-t-il concédé. « J’ai tellement envie de rentrer chez moi. »

Agence France Presse – 16 novembre 2023

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