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Une base navale au Cambodge ?

Le président américain Joe Biden rencontre son homologue chinois Xi Jinping ce 15 novembre dans la région de San Francisco avant le sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique.

L’objectif affiché par la Maison-Blanche est de rétablir des communications normales entre les deux superpuissances, y compris des contacts entre militaires.

En effet, dans le domaine de la Défense, les sujets de désaccords et les suspicions d’actions considérées comme hostiles sont nombreux.

Le président Biden a précisé qu’il souhaitait : « reprendre un cours normal, correspondre et être capable de décrocher le téléphone et de se parler en cas de crise, et s’assurer que nos armées restent en contact l’une avec l’autre ».

Les Chinois avaient rompu tous les contacts militaires avec les États-Unis après la visite de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants, à Taïwan en août 2022. Cette visite avait été considérée comme un « acte officiellement hostile ».

Les relations entre les deux pays s’étaient encore envenimées après que le président Biden ait ordonné d’abattre en février 2023 un ballon « espion » chinois qui avait survolé le continent nord-américain. Il a été admis plus tard qu’il s’agissait un ballon météo qui avait dévié de sa course mais l’affaire avait été montée en épingle par la presse anglo-saxonne.

Le rétablissement des contacts militaires devrait permettre d’éviter les erreurs d’appréciations entre les deux armées (1).

Un des sujets militaires qui fâche au plus haut point Washington est la volonté de Pékin d’obtenir des facilités – voire des bases – navales dans les pays étranger pour progressivement étendre son influence au niveau mondial.

La base de Ream

Selon des photos satellite prises en novembre, les travaux entrepris sur la base navale de Ream avec des financements chinois dans le sud du Cambodge toucheraient à leur fin. Elles montrent une gigantesque jetée. Une cale sèche serait aussi en cours de construction.

La menace de voir des militaires chinois s’installer au Cambodge est prise très au sérieux par le Pentagone, à l’heure où cette présence est déjà attestée sur les îles Sparleys (en mer de Chine) où les chinois ont construit des îlots artificiels et revendiquent comme leur, les eaux qui les entourent(2).

Dès juillet 2021, des miliaires US avaient inspecté la base à la recherche d’indices d’une présence chinoise, mais n’avaient pas eu accès à la totalité du site. En rétorsion, les États-Unis avaient mis fin au programme de coopération militaire dans certains domaines. Notamment l’accès à l’Académie militaire américaine de West Point de cadets cambodgiens avait été interdit.

Confirmant les craintes de Washington, une cérémonie d’inauguration des travaux avait été présidée le 8 juin 2022 par le ministre cambodgien de la défense, Tea Banh, et l’ambassadeur de Chine au Cambodge, Wang Wentian. Ce dernier avait alors déclaré : « la Chine et le Cambodge sont devenus des frères inébranlables, économes en paroles mais généreux en actes, se traitant mutuellement avec sincérité et se tenant côte à côte dans les moments difficiles ».

Chhum Socheat, porte-parole du ministère cambodgien de la Défense a affirmé pour sa part : « Comme nous l’avons toujours déclaré, il n’y a pas de base militaire chinoise là-bas. Nous modernisons simplement notre armée (…) afin de protéger l’intégrité de notre territoire ».

Sollicitée pour un commentaire pour le Washington Post, l’ambassade du Cambodge aux États-Unis a répondu que la Constitution de la nation n’autorise pas les bases militaires étrangères ni la présence de militaires étrangers sur le sol cambodgien.

Cette base située à 25 kilomètres au sud-est de Sihanoukville est stratégiquement située dans le golfe de Thaïlande, offrant un accès à la mer de Chine méridionale dont la plus grande partie est revendiquée par Pékin.

Un effort mondial qui devrait se concrétiser progressivement dans l’avenir.

La Chine a construit sa première base outre-mer de laMarine de l’Armée populaire de libération, à Djibouti en 2017.

Mais il existerait de par le monde 123 projets de constructions portuaires dans 78 ports de 46 pays pour une valeur d’environ 30 milliards de dollars.

Les banques d’État chinoises ont déjà prêté des sommes importantes pour développer le port de Hambantota (Sri Lanka), Bata (Guinée équatoriale), Gwadar (Pakistan), Kribi (Cameroun), Ream (Cambodge), Luganville, Vanuatu, Nacala (Momoz), Nouakchott (Mauritanie), Freetown (Sierra Leone), Saint Jone’s (Antigua-et-Barbuda)…

Il est évident que tous ces projets n’aboutiront pas forcément car ils sont liés à de très longues négociations et à l’évolution des situations locales qui peuvent évoluer dans l’avenir. Il n’en reste que, comme pour la « nouvelle route de la Soie », Pékin a une politique d’expansion à long terme qui devrait se poursuivre sur des dizaines d’années avec comme objectif final, devenir la première puissance mondiale.

Parmi les principaux acteurs de la construction portuaire figure China Communications Construction Company, Ltd. (CCCC), une entreprise publique majoritaire. L’une de ses filiales portuaires est China Harbour Engineering Company, Ltd. (CHEC). Toutes deux sont des acteurs majeurs de la construction de ports à l’étranger. En 2020, les États-Unis ont sanctionné le CCCC pour son rôle dans la construction d’îles artificielles en mer de Chine méridionale.

1. Voir : « La Chine se prépare à un scénario de guerre totale » du 29 juin 2023.
2. Voir : « A/S Pacte AUKUS : qui menace qui ? » du 20 mars 2023.

Par Alain Rodier – Raids.fr – 15 novembre 2023

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