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Birmanie : la junte recule face à la résistance armée mais continue de massacrer des civils

La junte birmane essuie de nombreux revers militaires face à la résistance armée. Différents groupes rebelles, parfois ethniques, s’unissent pour multiplier les attaques dans le pays. La Chine, qui soutenait la junte, craint désormais l’instabilité à la frontière birmane et promeut la paix.

La junte birmane perd du terrain face à la résistance armée : la junte au pouvoir essuie de plus en plus de revers militaires infligés par des groupes armés, parfois à caractère ethnique, mais qui présentent un front uni et qui attaquent la junte de toutes parts. C’est du jamais vu depuis le putsch de 2021, soulignent The Diplomat, magazine en ligne consacré à l’Asie-Pacifique, ainsi que le journal japonais Nikkei Asia et Thai PBS, la radio – télévision publique thaïlandaise, alors qu’un diplomate est envoyé en Birmanie par l’ASEAN, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est. Dans l’ouest de la Birmanie, mardi, dans l’Etat de Rakhine, la principale base navale de l’armée a été attaquée par des tirs de roquettes, pour la deuxième journée consécutive, annonce The Irrawaddy. Ce journal dissident birman indique, par ailleurs, que l’alliance fraternelle de Birmanie (composée de l’Armée de l’Alliance démocratique nationale de Birmanie, de l’Armée d’Arakan et de l’Armée de libération nationale de Ta’ang) s’est emparé de deux nouvelles villes dans l’État de Shan, contrée montagneuse du nord-est de la Birmanie. Seize villes du nord sont désormais passées sous contrôle de la résistance armée, note The Irrawaddy, depuis le lancement de l’opération 1027. Cette insurrection a éclaté le 27 octobre, précise le magazine Der Spiegel, en Allemagne, d’où son nom, « opération 1027 », pour le 27ᵉ jour du 10ᵉ mois de l’année. Et puis en fin de semaine dernière, dans le nord du pays, la résistance armée a gagné la ville de Laukkaï, près de la frontière chinoise.

Qui sont les rebelles et que font-ils dans les zones passées sous leur contrôle ? Selon le magazine allemand Der Spiegel, les groupes rebelles sont souvent constitués de jeunes idéalistes qui ont refusé le coup d’Etat de février 2021, mais aussi de rebelles plus chevronnés. Le magazine birman Frontier Myanmar nous plonge, via un reportage photo, dans la région de Tanintharyi, dans l’extrême sud de la Birmanie, où « la résistance a arraché aux militaires des pans entiers de campagne, le long de la frontière avec la Thaïlande. » A la place des soldats du régime, les Forces de défense du peuple patrouillent routes, rivières et villages, en tenue de camouflage, aux côtés de l’Union nationale Karen et de membres du Parti communiste qui vient de ressusciter, indique Frontier Myanmar. La population semble avoir accueilli favorablement cette résistance et son administration naissante, qui comprend des tribunaux et des prisons, avec des détenus liés au trafic de drogue. La Birmanie est devenue, en 2023, le premier producteur mondial d’opium à destination de l’élaboration de l’héroïne, dépassant l’Afghanistan, rappelle le South China Morning Post. Selon le quotidien de Hong Kong et la BBC, ce sont les combats, l’instabilité, la difficulté d’accéder à des marchés traditionnels et la faillite des infrastructures publiques, qui ont poussé de nombreux agriculteurs birmans à cultiver le pavot à opium. Mais dans les villages repris par la résistance, les systèmes de santé et d’éducation renaissent aussi, souligne le magazine Frontier Myanmar, avec des écoles dirigées par des enseignants expérimentés qui ont refusé de servir sous la junte. Ils suivent le programme établi, auparavant, par le gouvernement d’unité nationale déchu.

La chute de la junte birmane est-elle imminente ?

La junte tient encore de grandes villes et reste dotée de redoutables avions de combat, met en garde du journal Irrawaddy. Son arsenal aérien militaire est souvent acheté la Russie, rappelle l’hebdomadaire américain Aviation Week. Et dans les territoires que la junte a perdus, des villageois sont encore bombardés, massacrés. The Irrawaddy déplore la mort de 35 civils en moins de deux semaines, dont plusieurs enfants, dans la région de Sagaing, au centre de la Birmanie. « L’ennemi a sorti le grand jeu », confirme Der Spiegel : * »l’artillerie, les obusiers, les chars, les avions, les missiles.” Frontier Myanmar *rapporte que, depuis le début de l’opération 1027, l’armée enrôle de plus en plus de jeunes hommes, contre leur gré. Certains sont enlevés, la nuit, raconte le magazine birman, d’autres seraient arrêtés et menacés d’emprisonnement s’ils refusent de partir au combat.

Quel rôle jouera la Chine ? Pékin soutenait la junte, rappelle Der Spiegel, pour assurer la stabilité de la frontière et des partenariats commerciaux. Mais la Chine craint désormais que l’Etat Shan, frontalier, ne devienne hors de contrôle en Birmanie, avec des miliciens locaux qui prospèrent grâce à des arnaques en ligne, en se servant d’esclaves modernes, notamment venus de Chine, qui doivent attirer des cyber-victimes. Par ailleurs, cinq Chinois ont été blessées par des obus d’artillerie provenant de Birmanie. Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, cité dans une vidéo du Wall Street Journal, a déclaré : « la Chine demande à toutes les parties de mettre fin aux combats immediatement et de tout faire pour ne pas mettre en péril la zone frontalière entre la Birmanie et la Chine, ainsi que la vie des Chinois et leurs biens. » La Chine se dit prête à servir d’intermédiaire pour de nouveaux pourparlers de paix entre la junte birmane et la résistance armée, alors qu’un représentant de l’ASEAN (l’Association des nations d’Asie du Sud-Est) se rend, dès aujourd’hui, mercredi, en Birmanie. Deux millions de personnes ont été déplacées à cause des combats.

Par Catherine Duthu – Radio France Culture – 10 janvier 2024

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