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Birmanie : avec les combattants qui tiennent tête à la junte

« Nous n’avons plus peur »: depuis le coup d’Etat des généraux le 1er février 2021 en Birmanie, des militants politiques ont appris sur le tas leur nouveau métier de combattant armé, pour tenir tête à la junte.

Le putsch d’il y a trois ans a poussé des milliers de jeunes citadins, ciblés par la répression, à combattre les militaires par les armes, au sein de dizaines de groupes de défense du peuple (People’s Defence Forces, PDF) créés à travers le pays.

En dépit de moyens sommaires, ces organisations résistent au pouvoir central, soutenu par la Chine et la Russie. Le nombre de victimes de cette guerre civile est impossible à vérifier.

Au moins 4.400 personnes sont mortes dans la répression militaire depuis le coup d’Etat, selon un groupe de surveillance local. La junte, elle, assure que plus de 6.000 civils ont été tués par ses opposants et qualifie les PDF de « terroristes ».

Des années de combats ont transformé les PDF en unités aguerries.

Dans l’Etat Shan (Est), Ko Phyo, un ancien enseignant, occupe une des nombreuses tranchées de Birmanie, aux côtés notamment d’anciens étudiants, réunis dans le groupe « Mandalay PDF ».

« Nous avons la capacité d’abattre tous les soldats dans notre secteur », assure-t-il, en treillis militaire et casque de combat sur la tête.

« Avant d’envoyer un convoi, ils (les militaires, NDLR) utilisent des armes lourdes et des frappes aériennes pour provoquer la panique dans nos positions. C’est leur seule stratégie », décrit-il.

– Armes prises à l’armée –

Les opposants ont tourné le dos au discours de non-violence prôné par la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, renversée par le coup d’Etat.

« Pas question d’y aller avec le dos de la cuillère », déclare le commandant en chef des Mandalay PDF, Mone Tine, 30 ans.

« Nous ne devons pas surestimer l’armée et nous n’avons pas peur », poursuit le dirigeant qui, avant le putsch, travaillait dans une organisation de la société civile pour la promotion de la bonne gouvernance.

Dans leurs bases nichées dans les collines, les recrues sont soumises à une discipline qui n’a rien à envier à celle de leurs ennemis de l’armée régulière.

Chaque matin, au lever du drapeau, les combattants réaffirment en choeur leur engagement contre la junte.

Des coups de sifflet annoncent les exercices réguliers de raid aérien, pendant lesquels ils se réfugient dans des tranchées.

Un bureau administratif bourdonne d’activité pour nourrir, blanchir et équiper les combattants.

Mone Tine ne donne pas de précision sur le nombre exact de ces derniers, assurant que les effectifs du groupe se comptent en « plusieurs milliers ».

Trouver de l’argent pour continuer les opérations est « un gros problème », admet-il. Les PDF reposent sur les dons de la population et de la diaspora à l’étranger.

Pour les armes et les munitions, « c’est un super sentiment d’attaquer l’armée avec les armes que nous leur avons prises », confie Mone Tine.

– « La route est longue » –

La détestation d’un ennemi commun a conduit des insurgés pro-démocratie à se rapprocher des groupes ethniques, dont certains ont pris les armes il y a plusieurs décennies.

Ainsi, l’Armée de libération nationale de Ta’ang (TNLA) a formé les Mandalay PDF. D’autres coopérations similaires ont émergé dans l’Etat Karen (Est) et l’Etat Kachin (Nord).

Grâce à un approvisionnement soutenu en argent, armes, abris et médicaments, il est « presque certain que beaucoup de PDF vont être en mesure de maintenir leur rythme opérationnel » durant la quatrième année du conflit, explique à l’AFP David Mathieson, expert indépendant sur la Birmanie.

Mais, ajoute-t-il, « la route est encore très longue jusqu’à la victoire finale ».

Les PDF ont peu de chances de renverser seuls la junte qui a dirigé le pays durant plusieurs décennies depuis l’indépendance en 1948.

En octobre, les Mandalay PDF ont rejoint l’offensive coordonnée de trois groupes ethniques, dont la TNLA, qui a délogé l’armée dans des pans entiers de l’Etat Shan.

Les experts estiment que les généraux sont à leur niveau le plus faible depuis le putsch, face aux PDF et leurs alliés qui essayent de profiter de la dynamique.

Sur la ligne de front, « Sugar » –qui utilise un pseudonyme– assure qu’il n’y aura pas de retour en arrière.

« Nos expériences sur le champ de bataille ont fait de nous des soldats différents. Nous apprenons en combattant, et nous combattons en apprenant », explique ce membre des Mandalay PDF.

« Nous savons que nous devons faire des sacrifices. Nous nous sommes adaptés et nous n’avons plus peur », affirme-t-il.

Agence France Presse – 30 janvier 2024

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