Canicule en Birmanie : l’accès à l’eau, nouveau péril pour les personnes déplacées
Dans l’Est de la Birmanie frappée par la canicule, une pénurie d’eau accable la population des camps de déplacés, déjà fragilisée par le conflit civil.
« L’an dernier, nous avons eu de l’eau d’une source pas loin », explique à l’AFP Augusta, qui a accepté de donner seulement son prénom. « Mais maintenant, il n’y a plus d’eau là-bas. »
Depuis plusieurs semaines, une canicule historique enveloppe l’Asie du Sud-Est et la Birmanie, où le mercure a dépassé cette semaine les 48 degrés dans le centre du pays.
Dans l’Etat de Kayah (est), les montagnes et la jungle environnantes ne suffisent plus pour contenir la chaleur et les températures élevées affectent durement les camps de personnes déplacées.
Les difficultés d’approvisionnement en eau s’ajoutent à la crainte de frappes aériennes de la junte, et aux autres restrictions d’un quotidien bouleversé par le conflit qui a mis la Birmanie à genoux.
Rien que dans l’Etat de Kayah, les combats ont provoqué le départ forcé de plus de 123.000 civils depuis le coup d’Etat de 2021, selon les Nations unies.
Dans un camp non loin de la frontière thaïlandaise, une dizaine de femmes attendent de remplir leurs bidons en plastique à l’arrière d’une camionnette.
Le rationnement les laisse avec une quarantaine de litres, à utiliser pendant trois à quatre jours, jusqu’au retour de la citerne.
« Nous devons être frugaux. Si on ne prend pas de douche aujourd’hui, peut-être que demain, on pourra laver nos mains et nos visages », décrit Augusta.
La quantité ne suffit pas pour pouvoir laver ses vêtements et ceux de ses enfants, déplore-t-elle.
« Les enfants se grattent et ils ont l’air sales. Aussi, nous n’avons pas de vêtements propres pour eux. »
Zay Yar Tun, de l’association « Rangoun propre », conduit l’une des deux camionnettes ouvertes transportant les gros réservoirs d’eau qui vont alimenter le village. Elles passent deux fois par semaine au camp.
– « Emprunter de l’eau » –
« Quand il n’y avait que les habitants ici, il y avait assez d’eau », explique-t-il. « Mais après l’arrivée des personnes déplacées, il y a trop de monde pour la quantité d’eau disponible. »
Trouver des sources pour remplir le réservoir peut se révéler dangereux dans l’Etat de Kayah, considéré comme l’un des bastions de la résistance contre la junte.
L’armée opère régulièrement des frappes aériennes et d’artillerie sur ses opposants, et des mines tapissent le territoire.
L’équipe de Zay Yar Tun, qui vit des donations, subit le prix élevé de l’essence, conséquence de restrictions décrétées par le pouvoir, dit-il.
« Le carburant est très cher, et c’est comme si nous échangions de l’essence pour de l’eau », estime-t-il.
Des familles comme celle d’Augusta sont confrontées au même genre de dilemme pour survivre à la chaleur.
« Si nous allons prendre un bain dans un ruisseau, nous devons nous éloigner du camp », explique-t-elle, ajoutant que « ce n’est possible d’y aller à pied sous cette chaleur ».
Selon elle, « ça ne vaut pas le coup d’y aller en deux roues en raison du prix de l’essence. Si nous économisons de l’argent pour du carburant, on aura peut-être besoin de cet argent pour acheter de l’eau. »
Le début de la saison des pluies, généralement autour de mai, devrait soulager les habitants du stress lié à l’eau. Mais cette année, les moussons pourraient arriver plus tard, a prévenu un média d’Etat.
En attendant, l’eau deviendra un luxe, estime Augusta.
« Parfois, on se dit entre nous: +il ne me reste plus d’eau, est-ce que tu en as ? Est-ce que tu pourrais m’en donner? », lance-t-elle.
« On arrive dans une situation où on doit emprunter de l’eau. »
Agence France Presse – 3 mai 2024