La Thaïlande coupe les connexions d’un centre d’appels d’escroc au Myanmar
La Thaïlande a enfin coupé les connexions Internet et de téléphonie mobile d’un centre d’appel contrôlé par des escrocs au Myanmar.
La Commission nationale de la radiodiffusion et des télécommunications (NBTC) de Thaïlande a déclaré avoir coupé les connexions Internet et téléphoniques vers une région du sud-est du Myanmar qui abrite des opérations d’escroquerie en ligne à grande échelle.
Un fonctionnaire de la NBTC a déclaré lors d’une conférence de presse le 9 mai qu’elle avait déconnecté les câbles Internet et les signaux de téléphonie mobile entre la Thaïlande et la ville de Shwe Kokko dans l’État Kayin (Karen) du Myanmar.
Elle a déclaré que les connexions fournies aux escrocs en ligne à Shwe Kokko étaient illégales.
Ces dernières années, Shwe Kokko, une ville située dans le canton de Myawaddy, juste à la frontière de la ville thaïlandaise de Mae Sot, s’est transformée en un centre de casinos, d’escroqueries en ligne et d’autres activités sordides et criminelles, le tout baigné de néons.
La plupart des escrocs de Shwe Kokko ont commencé par développer des casinos à la fin des années 2010.
Puis, ils se sont diversifiés dans les fraudes aux télécommunications qui ont attiré des centaines de travailleurs, souvent originaires de Chine, en leur promettant des emplois bien rémunérés, mais en les réduisant en esclavage dès leur arrivée.
Cette semaine, le journal The Irrawaddy a publié une interview d’un jeune travailleur du Myanmar qui a été amené à travailler à Shwe Kokko.
Il a estimé qu’il y avait environ 30 sociétés frauduleuses opérant dans la ville, chacune employant « au moins 100 personnes ».
Il a ajouté que beaucoup de ces activités se déroulaient dans des complexes où l’on trouvait également de la prostitution, du trafic de stupéfiants et des jeux d’argent.
Les opérations, menées par le biais de courriels et de SMS frauduleux, « ciblaient principalement les citoyens européens et américains, en particulier les personnes âgées qui sont faciles à escroquer ».
Le cadre du développement de Shwe Kokko est un accord de coentreprise entre l’unité du Myanmar du Yatai International Holding Group, enregistré à Hong Kong, et une entreprise contrôlée par la Force des gardes-frontières Karen (BGF), qui contrôle une partie du territoire dans l’est de l’État de Kayin.
Les gardes-frontières Karen (BGF) sont un groupe de Karen chrétien qui contrairement aux autres Karens, se sont alliés à la junte du Myanmar.
Les commentaires du fonctionnaire de la NBTC ne précisent pas si la Commission a elle-même coupé les connexions, ou si la responsabilité en incombe aux fournisseurs d’accès à l’internet thaïlandais et/ou aux fonctionnaires locaux.
Il n’a pas non plus été précisé si l’action ou l’ordre s’appliquait également au KK Park, un autre centre d’opérations d’escroquerie en ligne dans le canton de Myawaddy.
Il est difficile de savoir si la décision tardive de la Thaïlande de restreindre les connexions internet à Shwe Kokko aura un effet sur les escrocs de la ville.
En juin dernier, l’autorité provinciale thaïlandaise de l’électricité (PEA) a affirmé avoir coupé l’électricité à Shwe Kokko.
Si cette décision a incité de nombreuses personnes à franchir la frontière thaïlandaise pour acheter des générateurs, elle n’a manifestement pas réussi à freiner les opérations de fraude en ligne.
Les escrocs ont simplement utilisé une partie de leurs profits gargantuesques pour investir dans d’autres sources d’énergie.
En fait, le nombre d’opérations frauduleuses à Shwe Kokko pourrait avoir augmenté depuis.
La Chine avait pris des mesures sévères à l’encontre d’opérations similaires basées le long de sa propre frontière avec le Myanmar et les rebelles ont pris le contrôle de nombreuses villes et fermés les centres d’appels dans le nord du pays.
Il est intéressant de noter que l’ordonnance thaïlandaise a été précédée d’une directive de la BGF, publiée le 3 mai, imposant l’évacuation des personnes étrangères engagées dans le commerce en ligne avant la fin du mois d’octobre.
« Les étrangers qui franchissent illégalement la frontière doivent quitter le pays par le chemin qu’ils ont emprunté.
S’ils sont retrouvés après le 31 octobre, des mesures efficaces seront prises », peut-on lire dans la version anglaise de la directive, également rédigée en birman et en chinois.
Ces centres d’appels sont généralement contrôlé par des mafias chinoises.
Le journal The Irrawaddy a cité un porte-parole de la BGF qui a déclaré que le groupe n’était pas satisfait des escrocs en ligne qui opéraient à partir de ses territoires.
« Nous leur avons demandé à plusieurs reprises de partir », a déclaré le porte-parole.
Mais comme pour sa décision de rompre ses liens avec l’armée du Myanmar au début de l’année, les véritables motivations de la BGF restent obscures.
Lorsque l’armée de libération nationale Karen (KNLA) a pris le contrôle de la ville de Myawaddy, la BGF, pourtant allié à la junte, n’a pas participé au combat avec les militaires du Myanmar.
Ils sont resté sur place sans entraver les activités de la KNLA.
Ils avaient même annoncé leur volonté de s’allier à la KNLA, mais lorsque l’armée Karen est partie et que les militaires birmans ont repris la ville, ils sont resté sur place et ont aidé les militaires.
Leur principal objectif est de rester sur la zone, peu importe le camp qui la contrôle.
Selon un rapport récent de l’Institut américain de la paix, le groupe aurait gagné 192 millions de dollars par an grâce aux escrocs et autres entreprises opérant à Shwe Kokko, dont il a versé la moitié à l’armée du Myanmar.
Mais, il n’est pas certain que cet accord soit toujours valable après la rupture du BGF avec l’armée.
Compte tenu de ce qu’elle aurait à perdre d’une véritable répression, la directive de la BGF doit donc être considérée dans le contexte des développements récents.
En particulier la lutte entre l’armée du Myanmar et l’Union nationale karen (KNU) pour le contrôle de la ville de Myawaddy, à la frontière thaïlandaise.
La BGF et son chef, le colonel Saw Chit Thu, ont soutenu avec succès les deux parties au cours de la lutte pour le contrôle de la ville.
Sa politique était apparemment axée sur la préservation de son autonomie dans le contexte de l’évolution de la dynamique du conflit dans l’État de Kayin.
Cela suggère que toute tentative de répression des escrocs dans sa zone frontalière s’inscrit dans le cadre d’un programme caché visant à perpétuer l’autonomie de la zone et les activités commerciales, parfois criminelles, qui la sous-tendent.
Toutelathailande.fr avec The Diplomat – 14 mai 2024
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