En Thaïlande, l’ex-premier ministre Thaksin devant la justice pour crime de lèse-majesté
L’ancien premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, 74 ans, doit se présenter mardi 18 juin devant un tribunal pénal de Bangkok pour y être officiellement inculpé de « crime de lèse-majesté » remontant à 2015. Il risque entre trois et quinze ans de prison.
Thaksin Shinawatra n’en a toujours pas fini avec la justice thaïlandaise. L’ex-premier ministre du royaume de 2001 à 2006, aujourd’hui âgé de 74 ans, est convoqué ce mardi 18 juin devant un tribunal de Bangkok pour répondre à des accusations de lèse-majesté. Cette inculpation se base sur des déclarations prétendument insultantes à l’égard de la royauté, proférées en 2015 lors d’un entretien avec un média sud-coréen. Il avait mis en cause le Conseil privé (Privy Council) du roi, mais pas le roi directement, dans le coup d’État de 2014.
De retour en Thaïlande en août 2023 après quinze ans d’exil volontaire, il a dû faire face à la justice pour d’anciennes affaires de corruption et d’abus de pouvoir. Condamné à huit ans de prison, il a bénéficié d’une grâce royale qui lui aura permis de ne passer que six mois en détention, en très grande partie dans un hôpital luxueux de Bangkok en raison de son état de santé et de son âge. Mais il se retrouve aujourd’hui au cœur d’un nouveau feuilleton judiciaire qui rappelle ses deux décennies de frictions avec la monarchie et l’armée, les deux piliers du système politique thaïlandais.
« Prêt à prouver son innocence »
Le procureur général a décidé d’inculper Thaksin pour « insulte contre la monarchie », a annoncé Prayuth Pecharakun, porte-parole du procureur. Il sera également poursuivi pour avoir enfreint la loi sur les crimes informatiques. « Il nie toutes ces accusations, a répliqué son avocat Winyat Chatmontree. Il est prêt à prouver son innocence face au système judiciaire. »
En Thaïlande, la loi sur la lèse-majesté, considérée comme l’une des plus sévères au monde, expose les accusés à des peines allant de trois à quinze ans d’emprisonnement. Elle peut s’appliquer pour des actions commises à l’extérieur du royaume. Selon plusieurs groupes de défense des droits humains, ce texte a été détourné pour étouffer toute voix contestataire à des fins politiques, notamment dans la foulée des manifestations géantes de 2020 et 2021 réclamant une refonte en profondeur du système. Plus de 270 personnes ont été poursuivies pour lèse-majesté et condamnées à plusieurs années d’emprisonnement.
Au-delà du cas Thaksin, le gouvernement actuel traverse également ces dernières semaines une période de turbulences politiques et judiciaires, dans un contexte de marasme économique, malgré des promesses de relance. L’actuel premier ministre, Srettha Thavisin, proche des Shinawatra, a été accusé par un groupe de sénateurs conservateurs d’avoir violé la Constitution lorsqu’il a nommé dans son cabinet en août dernier un ancien avocat ayant été condamné par la justice.
Il devrait se présenter lui aussi devant une autre cour de justice de Bangkok, ce mardi 18 juin, et pourrait être démis de ses fonctions si la Cour constitutionnelle se prononçait contre lui. Dans ce cas, un nouveau gouvernement devrait être formé. Son parti, le Pheu Thai, proposera un nouveau candidat qui devra être approuvé par le Parlement. « Tous ces cas mettent en évidence la fragilité et la complexité du climat politique thaïlandais », souligne dans une note sur la Thaïlande le Centre de recherche australien ANZ Research. Une instabilité politique qui, depuis des années, paralyse la situation des 20 millions de pauvres du pays (sur une population totale de 70 millions).
Par Dorian Malovic _ La Croix – 17 juin 2024
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